DINER • en l'honneur du bon vieux temps

Tiens donc, voilà que William se permettait quelques paroles indignes de ses prétentions ; voilà qui était intéressant. Cette histoire de taille, bien sûr, n'avait aucune importance. Mais Gabriel le soulignait dans le but d'agacer son interlocuteur. Ce qui semblait marcher à la perfection. Susceptible, le William, après quelques gorgées de vin ? Visiblement. C'était amusant, de le voir comme humain, et non pas ce robot qu'il était parfois derrière son écran. Oui, il était comme tout le monde, et ça, Gabriel ne comptait pas l'oublier. « C'est bien, d'assumer ses erreurs. » fit-il, plutôt fier de lui, avant que William ne se sente obligé de mettre au clair le sujet de leur conversation. En effet, on ne parle pas de ce qui se trouve dans le pantalon de ses Messieurs. Voilà qui donna une folle envie au jeune homme d'ajouter ; « Ne vous inquiétez pas, impossible qu'ils aient pu penser à ce que vous insinuez vous concernant. » Ou, comment insinuer, subtilement, qu'il n'y avait rien avec quoi comparer ces tailles là dans le pantalon de William. Puisque l'on pouvait douter que quoi que ce soit s'y trouve. Et une nouvelle gorgée d'eau, pour s'éviter de rire. Il laissa Maxyne s'exprimer sans vraiment lui accorder d'importance. Son attention était toute à Will. « Merci pour cette intervention. » lui dit-il avec un sourire, ou comment lui demander de le laisser parler avec le Maître en ayant la bonté de ne pas les interrompre en si bon chemin. La dernière remarque de celui-ci réussit néanmoins à froisser Gabriel. Son réflexe ? Jeter son verre d'eau à la figure de William. Oups. « Si je dois descendre cette bouteille, ça sera sur votre tête, et je n'aurai pas besoin d'un verre de plus pour le faire. Mais je crains qu'en plus de gâcher un bon vin, je ne ruine votre brushing. » Il semblait que la guerre était déclarée.

Mon affrontement avec Gabriel ne laissait visiblement pas tout le monde de marbre. Maxyne se mit même à nous applaudir, ce qui me fit sourire. Nous devions être tellement ridicules ! Se chamailler pour quelque chose qui n'avait aucune importance. Si nous allions en venir aux mains ? Bien sur que non ! J'avais tout de même une certaine dignité, et surtout... quelque chose m'empêchait tout simplement de m'opposer à Gabriel sur le plan physique. « Oh non, non ! Certainement pas ! Si Gabriel me dépasse de deux centimètres, il n'a pas la moindre chance contre moi. Auparavant le confessionnal était une salle de boxe dans laquelle je m'entrainais cinq fois par semaine. Je préfère ne pas abîmer son si joli minois. Et je ne voudrais pas m'attirer les foudres de Stojan. » Moi ? Peur de Stojan ? Mais pas du tout ! Je voulais juste éviter une querelle avec un autre candidat, si possible. Gabriel encore, ça pouvait passer, mais si je commençais à me mettre tous les candidats à dos... on ne s'en sortait pas. « Ah non je t'arrête tout de suite Maxyne. Je n'ai aucunement l'esprit mal placé. Je constate que vous avez tous pris la fâcheuse habitude de me tutoyer. Qui vous l'a permis ? » Plus aucun respect, ces jeunes ! Au début de l'aventure, ils me mangeaient presque dans la main et à trois semaines de la grande finale, ils me prennaient pour l'un de leurs amis. Il y avait clairement du laisser-aller. Gabriel ? Le cran de me renverser la bouteille sur la tête ? Je manquais de m'étouffer avec mon fois gras tant la situation prêtait à rire. Une fois ma conscience retrouvée, il me fallait réagir à cette remarque de Gabriel. « Kof ! Kof ! Encore une blague comme ça Gabriel, et le foie gras finira vraiment par me tuer. Sérieusement, tu n'oserais même pas faire pèter le bouchon de la bouteille de champagne. Alors me renserver la bouteille sur la tête... je ne peux même pas l'imaginer. » A un moment, il fallait quand même rester dans le possible. Et en l'occurence, cette situation ne l'était pas. Je venais tout de même de me recevoir un verre d'eau en pleine figure. Sympathique.

Visiblement, William se sentait à l'aise sur le terrain de la provocation. Gabriel percevait cela comme un certain abus de pouvoir ; en tant que Maître, qui oserai se mettre devant lui, lui tenir tête ? Rien que le fait que les candidats le tutoient semblait l'agacer -ou bien étais-ce à nouveau une marque d'un cynisme prononcé chez cet homme à l'ego au moins aussi grand que sa demeure. Quoi qu'il en soit, Gabriel notait que le Maître était bien trop occupé à faire le coq pour se soucier du reste des candidats. Pourquoi est-ce qu'un homme si noble continuait à provoquer le jeune homme ? Ne devrait-il pas être le premier à mettre un holà à tout ceci, faire preuve d'autorité, et cesser d'avoir l'air aussi médiocre après seulement quelques gorgées de vin ? C'était Lucy qui devait être désillusionnée devant son écran de télévision. Le voilà, le gentleman. Et qu'elle classe il avait en se rabaissant à ces provocations. Glorieux. Un instant, Gabriel dévisagea William sans dire un mot. Il se leva finalement. Pour fuir avec une cigarette ? Attendez, on ne vous avez pas dit quel problème le jeune homme avait avec l'autorité ? Non, il était temps de rafraîchir les idées du Maître, et calmer ses ardeurs. Gabriel fit le tour de la table, saisit la bouteille et, en effet, en déversa le contenu sur la tête de William. Il ne semblait pas ravi de le faire, contrairement à ce que l'on pouvait penser. « Maintenant qu'il a été prouvé que j'en suis capable, que vous n'êtes qu'un clown, et moi un crétin, que malgré votre statut de Maître vous ne valez pas beaucoup mieux que moi, croyez-vous qu'il soit possible que vous remballiez vos insultes, que vous descendiez de votre piédestal pour ce soir, afin que ce dîner reprenne ? » Visiblement énervé, soit William acceptait, soit Gabriel l'assommait avec la bouteille qu'il avait encore entre les mains.

Je la sentais venir, cette bouteille sur ma tête. Et en effet Gabriel se leva, la bouteille à la main, puis fit le tour de la table. En le voyant s'approcher de moi avec la bouteille, je me disais dans ma tête : "nooon... noon ! Il ne le fera pas !" Et si. Il l'a fait. Je venais juste de me recevoir tout le contenu de la bouteille sur la tête. Autant dire que ça avait calmé mes ardeurs, et que ça ne faisait pas que du bien à l'égo. D'un coup, plus personne n'osa ouvrir la bouche. Ils semblaient tous médusés, et devaient probablement hésiter entre crier d'horreur et rire aux éclats. « Bon. Laissez-moi vous dire que ça calme. » Nous en étions venu à un point où l'on était totalement ridicules. Comment avait-on pu en arriver là ? C'était incompréhensible. Je songeais à tous ses téléspectateurs qui ne devaient pas non plus comprendre la situation. Gabriel me remit à ma place, violemment. Si nous n'avions pas été filmés, je pense que mon côté caractériel que je me donnais tant de mal à dissimuler aurait très vite prit le dessus. Mais la proposition de celui-ci s'avèrait être raisonnable. « Je me suis emporté, et je m'en excuse. A présent, reprennons le cours de ce diner qui, à mon sens, n'aurait pas du chavirer de cette manière. J'en suis le principal responsable, j'en suis bien conscient. » Il était grand temps de calmer le jeu. Nous avions fait preuve d'une grande stupidité ; moi en le provoquant de la sorte et en l'insultant, et lui en me renversant la bouteille sur la tête. La situation devait revenir à la normale. Je regardais chacun des protagonistes présents autour de la table, avant de baisser les yeux dans mon assiette. Ce que je pouvais avoir honte, alors.

Ah ça ! Il espérait bien que se faire vider une bouteille de vin sur la tête pouvait calmer ! De toute manière, Gabriel l'avait joué quitte ou double ; soit il parvenait à forcer la paix avec le Maître, soit celui-ci allait réellement s'énerver, et qui sait ce que ses droits en tant que Maître du jeu allaient lui inspirer pour faire de l'aventure du jeune homme un enfer. Mais pour son plus grand soulagement, William fut en effet calmé. Gabriel ne cachait pas sa surprise face aux excuses qui lui furent présentées -à lui autant qu'au reste de l'assemblée. Il n'en demandait pas tant, mais fort bien. Il posa donc la bouteille sur la table, saisit la serviette de William et la lui tendit alors que celui-ci baissait les yeux afin qu'il s'essuie le visage. Il profita de ce court instant -de gloire- pour laisser un léger rictus d'amusement et de satisfaction animer le coin de ses lèvres. Avoir le dessus sur le Maître, c'était quand même jouissif. Mais bon, il ne fallait pas laisser ses chevilles enfler plus que ça. Gabriel adressa une tape amicale sur l'épaule de William, se voyant mal articuler des excuses à son tour. Il regagna sa chaise, sans un mot. Et se servit une coupe de Champagne, qu'il leva vers le Maître, trinquant de loin ; ils étaient quittes.

Gabriel me tendit une serviette afin que je puisse m'essuyer le visage. Je la saisit, puis la passa sur mon visage. Celui-ci ne pu s'empêcher de rire. Il faisait le malin, c'est vrai que ce n'est pas tous les jours qu'un candidat peut ainsi m'humilier et me remettre à ma place de cette façon. Cela ne m'atteignait pas. Je n'avais pas envie, une fois encore, de m'emporter alors je laissais courir. Si ça l'amusait, tant mieux pour lui. Il y en avait au moins un que cette situation faisait rire. Gabriel me tapa ensuite sur l'épaule, comme pour approuver mes paroles. Puis il regagna son siège, avant de lever la coupe de champagne qu'il venait de se servir. Nous trinquâmes. Cela pouvait paraitre étrange, après une telle scène. Et pour cause ! J'adressais ensuite un sourire complice à Gabriel, qui était en face de moi. Un sourire qui en disait long... Ah, si ils avaient su ! Un rire m'échappa ensuite. Je ne pouvais m'en empêcher. Enfin, je décidai de prendre la parole. « Chers candidats, laissez-moi vous dire que vous vous êtes tous fait avoir... » Je les regardais, un par un. Comme si je faisais un de ses grands discours auxquels ils s'étaient habitués, depuis le temps. « Je me demande comment vous avez pu croire que cette situation était possible. Enfin ! Vous êtes d'une naiveté... déconcertante. » Coup de théâtre. Je pouvais voir sur leurs visages la surprise et l'étonnement. Ils y avaient cru, et tout cela n'était que mission. « Votre cher camarade, Gabriel ici-présent, était pourvu d'une mission. Celle de me tenir tête, lors de ce diner, et de commettre un acte spontané et pour le moins violent : me renverser une bouteigne sur la tête. Comme vous pouvez le voir, Gabriel a accompli sa mission avec succès. » Et dire que durant de longues minutes, tous espèraient que la situation dégénère. Ils étaient comme les spectateurs d'un spectacle. Un spectacle qui n'était que faux, au final. « Gabriel, tu as amplement mérité tes 7000£. Tu m'as épaté. » La mission était révèlée, nous pouvions enfin retourner à nos occupations, à savoir diner. Et oui, c'était avant tout le but de cette soirée. « Dinons mantenant, si vous le voulez bien. Vous avez eu votre spectacle, vous n'en aurez pas deux. Après il faudra payer votre place. » Je me sentais bien plus détendu que tout à l'heure. Confier une mission à un candidat était banal pour moi, mais lorsqu'il s'agissait d'y participer, c'était une autre histoire. Une chose est sure : Gabriel et moi avions été de grands acteurs ce soir, et nous méritions au moins un Oscar.

L’ambiance l’exaspérait. Et c’était dans des moments pareils qu’elle se demandait ce qu’elle fichait encore là, autour de personnes qui n’avaient définitivement rien en commun avec elle. Ginger pensait pouvoir profiter simplement du dîner et des délicieux mets qui leur étaient proposés. Pouvoir discuter et échanger les impressions des uns et des autres quant à leur aventure respective. Il n’en fut rien. Se levant de table sans daigner en avertir les candidats et la production qui les avait rejoint, Ginger se saisit au passage d’une coupe de champagne et rejoignit l’extérieur, ou plutôt les marches qui menaient au jardin. S’asseyant sur l’une d’entre elles, elle but une gorgée de champagne, tout en regardant le ciel.

Une mission ? Sérieusement ? Merde, pour une fois que ça allait tourner en ring de boxe cette affaire. Soyons clairs, si Maxyne avait put montrer certains signes d'agacement face à une telle situation quelques instants plus tôt, elle n'avait pu cacher un certain intérêt malgré tout. C'était Maxyne après tout, cela n'était donc pas surprenant. Quand la mascarade fut révélée et que le rideau fut levé, la jeune femme ne put une nouvelle fois s'empêcher d'applaudir, cette fois-ci en prenant la peine de se lever. Une ovation, s'il vous plait, une ovation. « Un oscar pour ces deux hommes ! » s'écria-t-elle soudainement, visiblement plus pompette qu'elle l'aurait cru. Lorsqu'elle leva les yeux, Maxyne vit son camarade, Stojan, prendre place sur la table. Bon dieu, venait-il réellement de grimper dessus ? Ou était-ce une hallucination de la part de la jeune femme, et causé par l'alcool ingurgité en trop forte quantité ? Non, visiblement, Stojan était bel et bien debout sur la table, ce qui ne manqua pas d'amuser la jeune femme. Sans surprise, Maxyne ne tarda pas à l'y rejoindre, grimpant non sans difficulté sur la haute table de la pièce. Lorsqu'elle fut enfin debout sur la surface, elle se mit elle aussi à danser, imitant grossièrement les mouvements de son camarade. Danser sur une table était de toute manière quelque chose de familier pour elle désormais. Alors une humiliation de plus, ou une de moins, quelle différence cela ferait-il ? « Rock that body ! Come on, come on ! » Oula, voilà que maintenant elle reprenait les paroles d'une chanson des Black Eyed Peas. La pauvre...

Ginger a écrit:

L’ambiance l’exaspérait. Et c’était dans des moments pareils qu’elle se demandait ce qu’elle fichait encore là, autour de personnes qui n’avaient définitivement rien en commun avec elle. Ginger pensait pouvoir profiter simplement du dîner et des délicieux mets qui leur étaient proposés. Pouvoir discuter et échanger les impressions des uns et des autres quant à leur aventure respective. Il n’en fut rien. Se levant de table sans daigner en avertir les candidats et la production qui les avait rejoint, Ginger se saisit au passage d’une coupe de champagne et rejoignit l’extérieur, ou plutôt les marches qui menaient au jardin. S’asseyant sur l’une d’entre elles, elle but une gorgée de champagne, tout en regardant le ciel.

J'avais bien du mal à suivre la soirée. Après avoir assisté à cette scène pour le moins surprenante entre William et Gabriel, à laquelle j'avais réellement cru, j'apprenais maintenant que tout cela était joué et préparé ; que le jeune homme avait une mission. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tous deux avaient bien joué la comédie. Personnellement je n'avais rien vu venir... Alors que la supercherie était révélée, je vis que Ginger se leva de table et emporta une coupe de champagne, avant de rejoindre les marches menant au jardin, à l'extérieur du château. Ni une ni deux, et parce que tout cela commençait à sérieusement dégénérer, je la suivis. Avant de sortir, je me tournai vers les autres candidats et William. « Vous m'excuserez mais je n'ai plus trop l'âge de monter sur les tables. Toutefois bravo pour le spectacle, je me suis beaucoup amusée ! » Je fis un clin d'œil aux protagonistes assis autour ou montés sur la table. Ces jeunes avaient une énergie débordante qui n'était plus la mienne... Je m'assis à côté de Ginger. J'avais moi aussi emporté une coupe de champagne avec moi... « Parfois je me demande quel âge ils ont... Même William. Et dire qu'il est censé être le plus mâture de tous... » Je souri à Ginger, visiblement agacée par la situation. Nous étions maintenant dehors, mais l'on pouvait encore bien entendre les cris des candidats et les bruits de bas sur la table. Quelle soirée !