DINER • en l'honneur du bon vieux temps

Un rapide baiser, voilà qui suffit à Gabriel pour comprendre qu'il ferait mieux de se détendre. Ce qu'il fit, adressant un léger sourire à Stojan, comme un remerciement pour ce subtil rappel à l'ordre. Il allait être sage, qu'il s'était dit, autant s'y tenir. Puis les entrées arrivèrent sur des chariots, et furent déposés face à chaque invité. Il en manquait d'ailleurs un ; Charlie, plébiscitée par les candidats. Il est vrai que voir la jeune femme serait un enchantement. D'ailleurs, elle fit son entrée, absolument sublime dans sa longue robe noire. Sans trop savoir pourquoi, Gabriel aimait beaucoup la jeune présentatrice. Enthousiaste à l'idée qu'elle passe la soirée avec eux, il se leva immédiatement pour l'accueillir. Cette fois, il ne manqua pas de lui faire la bise. « Je pense que vous êtes parfaitement excusée. » fit-il avec un sourire des plus chaleureux. « De toute manière, le Maître n'aurai jamais permis que l'on commence le repas sans vous, n'est-ce pas ? » Il accorda un regard à ce dernier, mais reporta son attention sur Charlie qu'il accompagna jusqu'à la place qui lui était destinée. Galant à souhait, il tira sa chaise et la laissa s'installer avant de regagner sa propre place. Maintenant qu'ils étaient au complet, ils pouvaient attaquer leurs assiettes.

Dès mon arrivée, Gabriel se leva et accueilli chaleureusement. Après m'avoir fait la bise, il m'invita à prendre place et tira ma chaise. Il était des plus galants, et j'appréciais beaucoup. « Oh, merci beaucoup Gabriel ! » Une fois assise, je pris le temps d'observer chacune des sept personnes assises autour de moi. William semblait avoir très faim, mais se retenait d'attaquer son assiette par politesse. Quant aux candidats, ils semblaient tous tellement enjoué ce soir. Et ce, malgré l'annonce faite par William tout à l'heure. J'avais en effet eu des échos, comme quoi Blaze s'était auto-nominé. Pourtant la bonne humeur était toujours présente, et cela faisait vraiment plaisir de le constater. Si William aurais permis de commencer le repas sans moi ? J'espère bien que non ! « Et bien j'espère que non ! William m'aurais tout de même attendu... enfin je pense. » Je regardais William, amusée. Je n'avais pas de réels doutes quant à sa politesse. Je savais quel homme il était. Et en l'occurrence, il n'était pas un homme qui se permettrait de commencer à diner tant que les invités au grand complet ne seraient pas présents. Que le dernier invité soit une femme, ou non. « Et bien je vous souhaite à tous un très bon appétit. Tout cela m'a l'air délicieux ! Et j'adore le foie gras ! » Un bon repas comme on pouvait en rêver. On se serait cru à un réveillon de Noël... en plein octobre.

Visiblement, quand j'avais évoqué Charlie, je n'étais pas le seul à vouloir qu'elle se joigne à moi, à en croire les paroles de mes camarades. J'eus un sourire aux paroles de Maxyne, celle concernant le niveau intellectuel. Soudain, le cuisiner, Harry ou quelque chose dans le genre, fit irruption dans la pièce, marquant alors le début du diner. Un sourire s'afficha sur mes lèvres, je mourrai de faim, il était donc arrivé au bon moment. Reprenant place, je préférai attendre Charlie avant de commencer à déguster ce repas. Gabriel me devança sur la galanterie, et Charlie se retrouva très vite assise à la table. « Vous êtes ravissante ! » lui dis-je avec un sourire, avant que cette dernière lance le repas. Nous étions désormais au complet, nous pouvions commencer à manger sans plus attendre. « Merci Charlie, et oui, bon appétit à tous ! » Je me rapprochai de mon assiette, sentant celle-ci au passage. « Hum, ça sent extrêmement bon ! » Bon, peut-être que pour certains, c'était une odeur normale, mais n'ayant pas l'habitude de la gastronomie française, c'était nouveau pour moi.

A peine les candidats eurent-ils le temps de réclamer la présence de Charlie, leur présentatrice adorée, que celle-ci fit déjà son entrée dans la pièce. Elle était très élégante, comme ils avaient déjà pu le constater les fois où ils l'avaient vu à travers l'écran. Charlie était une très belle femme, dont l'arrivée sembla d'ailleurs émoustiller certains mâles. Nous eûmes alors droit à l'étonnante galanterie de Gabriel, qui n'hésita pas à lui tirer la chaise pour lui permettre de s'installer. Cette attitude honorable - et il n'y a là aucune ironie - fit sourire Maxyne. Cette dernière fixait Charlie. Comme pour William qui les avait rejoint tout à l'heure, il était assez surprenant de se retrouver face à la jeune femme, aujourd'hui en chair et en os. Cette dernière arrivée sonna d'ailleurs le début du repas, que Maxyne accueillit avec plaisir, elle qui commençait à avoir légèrement faim. « Bon appétit » fit-elle alors, simplement avec politesse et en réponse aux paroles de Charlie et Seth. Les assiettes sentaient bon, cela en mettait l'eau à la bouche. Pourtant, ça n'étaient pas le genre de choses que Maxyne était habituée à manger. Mais rien ne coûte de s'essayer à de nouvelles saveurs, histoire de ne pas mourir ignare.

Charlie avait fait son entrée et bien sur tous les garçons étaient au garde-à-vous. J'étais quant à moi resté assez insensible à sa présence ; je n'avais pas l'habittude de m'extasier devant une femme, même très belle. Ou du moins cela ne m'arrivait pas souvent. Gabriel s'empressa de la faire assoir, et au même moment le repas nous était servi. Tout le monde assi, nous pouvions maintenant commencer. « C'est vrai que cela a l'air délicieux. Ca sent bon, en tout cas. » Ni une, ni deux, j'attaquais -enfin- mon assiette. Et je pouvais alors confirmer que c'était très bon, en plus de sentir très bon. Un bon repas, préparé avec amour, autour de candidats que je commençais à beaucoup apprécier. « Harry a, une fois de plus, préparé un diner de Maître... c'est le cas de le dire ! Je ne sais pas vous, mais je trouve le foie gras très gouteux, vraiment exquis. » Peut-être n'étaient-ils pas, autant que moi, habitués à manger du foie gras. J'en avais pris la fâcheuse habitude, et je ne pouvais d'ailleurs plus m'en passer. Alors voir écrit sur le menu le terme "foie gras" m'avait rendu vraiment heureux. Rien que pour ça, le diner valait le coup. Bon, j'exagèrais peut être un peu... mais non, vraiment pour moi un diner sans foie gras n'est pas un diner !

« Bon... um. Et sinon, vous n'appréhendez pas trop la finale ? Enfin, je veux dire, en tenant compte du fait que vous en fassiez partie, ce qui n'est pas gagné pour tout le monde ici. » Au risque de casser une nouvelle fois l'ambiance, ce dont j'étais très doué, il fallait bien l'avouer, j'en rajoutais une petite couche histoire de les faire se rendre compte de l'enjeu de l'aventure. « Oh inutiles de me regarer comme ça. A part Stojan, aucun d'entre vous n'est assuré d'être en finale. Parmi vous, deux candidats quitteront le château avant la finale. Je sais : c'est injuste, c'est cruel. Mais c'est le jeu, aussi. » J'avais dit ce que je pensais. Il me semblait que certains d'entre eux ne réalisaient pas leur chance d'être encore ici, mais surtout qu'ils se voyaient déjà vainqueurs. Il ne fallait pas oublier une chose : un gagnant, il n'y en aura qu'un seul. Et ce gagnant se trouvait parmi ses six candidats, qui me regardaient d'ailleurs d'un air à la fois médusé et médisant.

Pendant que tout le monde mangeait, quelques virulentes vociférations à l'encontre du Maître traversaient l'esprit de Gabriel, comme des remarques sur la prétention dont pouvait faire preuve cet homme qui n'avait tout bonnement pas salué Charlie quand celle-ci arriva. Il essayait, vraiment, de ne pas penser à autre chose qu'au délicieux met qui était présenté devant lui. Mais, à cet instant, il aurait volontiers fait disparaître sa fourchette pour la faire réapparaître dans l'oeil de William. Il était un peu tendu, le Gabriel, visiblement. Malgré toute la bonne volonté du monde, il ne parvint pas à finir ce foie gras. Mais là, cela n'avait pas grand chose à voir avec Will. C'était autre chose. A vrai dire, il avait face à lui une bougie, et un menu Français. Et ces deux détails, insignifiants pour n'importe qui, perturbaient Gabriel. Sa mère était Française. Il préféra se servir de l'eau pour faire passer tout ça, et écouta d'une oreille les paroles de William à propos de la finale. Le jeune homme, loin de se faire des illusions, savait qu'il n'atteindrait pas la finale. Mais parce qu'il avait promis à Stojan d'essayer, il ne baissait pas les bras. « En effet, ce n'est pas gagné. » fit simplement Gabriel en reprenant une gorgée d'eau. Voilà qui allait faire plaisir au Maître ; il ne tournera pas au Champagne ce soir. « On sait tous à quel point la cruauté du jeu peut vous réjouir. » ajouta-t-il avec un sourire narquois en coin. Personne n'irai contredire cela.

Gabriel ne semblait pas beaucoup croire en ses chances de parvenir à la finale. Pourtant, je savais que tous les candidats présents ce soir, sans exception, étaient capables de parvenir à la finale. Il suffisait d'y croire, et bien sur de se faire aimer du public. Pour certains, c'était chose faite. Et j'avais toutes les raisons de penser que Gabriel ferait partie des quatre finalistes. Ce qui me faisait penser cela ? Mon instinct, en fait.« Il faut y croire, Gabriel ! Si tu pars avec l'idée que tu n'en feras pas partie, tu pars tout simplement défaitiste. C'est dommage. » Gabriel qui buvait de l'eau ? Vraiment ? C'était assez exceptionnel pour revenir là-dessus... ce que je n'allais pas tarder à faire, d'ailleurs. J'adorais taquiner Gabriel sur son penchant pour l'alcool. C'était gentil, avant tout, et ne visait qu'à me moquer gentiement de lui. Je n'étais absolument pas méchant, loin de là. Gabriel m'amusait beaucoup. .« Gabriel... je dois dire que je suis fier de toi. Préfèrer l'eau plate au champagne, je ne pensais pas que tu en serais capable. Surtout ce soir. Bravo petit ! » Ma parole ! Si Gabriel se calmait un peu sur l'alcool, moi en revanche je sentais bien que l'alcool me montait à la tête. Ce n'était pas dans mes habitudes de parler ainsi. Et pourtant ces paroles sortaient bien de ma bouche... William, peut-être devrais-tu reposer ce verre de vin rouge avant que tu ne te souviennes plus de ton prénom... Et maintenant je me parle à moi-même ? On a touché le fond.

Les encouragements du Maître surprirent Gabriel qui, depuis leur conversation dans le Confessionnal, gardait l'amère impression de ne pas réellement être le bienvenu dans le château, d'avoir abusé de l'hospitalité de William. Il y avait deux explications à cela ; soit il était sincère et pensait qu'il avait ses chances d'atteindre la finale. Soit il essayait de faire bonne figure en débitant de jolies phrases hypocrites. C'était plus fort que lui, Gabriel pencha plutôt pour la seconde option. « Je ne suis pas défaitiste. Je ne ferai le plaisir à personne de l'être. J'ai promis cette finale. » fit-il, toujours avec ce ton entre l'humour et le cynisme, portant aussi une pointe de froideur trahissant le ressentiment du jeune homme vis à vis de son interlocuteur. Néanmoins, il était on ne peut plus sérieux; cette finale, il la voulait. L'avantage de cet échange était que les pensées de Gabriel se focalisaient sur William, et non plus sur de mauvais souvenirs. « Je crois qu'il y a erreur, je ne suis pas le plus petit, finalement. » répondit le jeune homme, toujours avec ce même sourire. Les autres candidats n'ayant pas assisté à leur précédente conversation ne devaient pas y comprendre grand chose. Il nota le verre que tenait William à la main. Du vin rouge avec du foie gras ; quel sacrilège. « Vos paroles ne font que confirmer ce que je pensais ; vous ne tenez pas l'alcool, mon pauvre William. " ajouta Gabriel en reprenant mot à mot les termes d'une phrase que le Maître avait prononcé à son égard. Cela sonnait quelque peu comme un air de vengeance, non ? " Au moins, lâchez ce rouge. Prenez du blanc. "

Gabriel était-il en train de se payer ma tête ? Ca en avait tout l'air, en tout cas. Il revenait d'abord sur le fait qu'en taille il me dépassait... de deux malheureux centimètres. Si il s'avèrait être un peu plus grand que moi, il fallait tout de même prendre en compte le fait que j'avais huit ans de plus que lui. Il ne fallait pas l'oublier, tout de même. « Encore cette histoire de taille ?! Bon, je me suis trompé, ça va Gabriel ! Je pense qu'il est inutile de revenir là-dessus une fois encore. Et entre nous, deux centimètres, cela ne représente pas une énorme différence. » Puis je me tournais vers les autres candidats. J'avais un peu peur que ceux qui n'avaient pas suivi soient en train de s'imaginer des choses. Cette histoire de centimètres pouvait porter à confusion... . « Hum... Je tiens à préciser qu'il s'agit de la taille... de la grandeur de notre être, pour m'exprimer plus clairement. N'allez surtout pas vous imaginer des choses... Je sais à quel point votre esprit est mal placé ! » Ah ça... c'était le cas de le dire ! Ces jeunes gens ne pensaient qu'à ça, nuit et jour, et cette aventure nous l'avait confirmé. Pauvre de moi, qui avait assisté à des scènes auxquelles, honnêtements, j'aurais préfèré ne jamais assister. Ils n'avaient aucune pudeur ? Tant pis pour eux. Et voilà maintenant que Gabriel se plaisait à reprendre, mot pour mot, l'une des phrases que j'avais prononcé dans le confessionnal. « Et bien, et bien... Gabriel, ça t'amuse de reprendre mot pour mot mes paroles ? Je pense que j'ai encore du chemin à parcourir, concernant l'alcool, pour arriver ne serait-ce qu'à ta cheville. C'est mon premier verre d'alcool depuis bien des mois... Et toi, Gabriel ? Combien de verres as-tu bu... aujourd'hui ? » Il ne fallait pas me chercher sur ce terrain-là. Je refusais catégoriquement que l'on me compare à Gabriel, qui contrairement à moi ne se refusait jamais un bon verre de champagne. Comme quoi, avec un peu d'alcool dans le sang, je pouvais m'emporter. « Oh non ! Je te le laisse ! Fais-toi plaisir... Tu peux aussi descendre toute la bouteille. »

Que cela était drôle, que cela était divertissant de voir ainsi Gabriel et William se chamailler tels deux gosses. Comme vous devez l'imaginer, cette scène apparut à Maxyne comme une belle occasion de rire un peu, ne pouvant s'empêcher de s'amuser des échanges plutôt houleux que partageaient le Maitre et le jeune homme à ce moment précis. De temps en temps, Maxyne se surprenait à applaudir lorsqu'elle jugeait particulièrement pertinente telle ou telle réflexion. Faut pas chercher, elle était un peu pompette, et elle n'était visiblement pas la seule. « Pardonnez-moi de m'immiscer dans cette conversation si passionnante, mais j'aimerai savoir si vous compter continuer comme ça jusqu'au dessert ou si vous nous ferez l'honneur, en plus, de vous livrer à un petit combat de coqs ? » Maxyne se mit ensuite à rire, réalisant à peine ce qu'elle venait de dire tout haut, tandis qu'elle croyait l'avoir pensé tout bas. Flûte alors. « Oh, et au passage William, le simple fait que tu puisses imaginer que nous nous laissions aller à ce genre de pensées impures, prouve que ce n'est pas notre esprit qui est mal placé, mais bien le tiens » reprit-elle ensuite, saisissant cette occasion pour s'amuser à nouveau de la situation, en se prenant légèrement au Maitre, quoi qu'avec humour. Et voilà qu'elle le tutoyait en plus, ah la la. Maxyne reprit finalement une petite gorgée de champagne, comme si de rien n'était.