SOIRÉE N°1 : RECEPTION MONDAINE

Je me demande bien quel âge peut avoir la brunette. Elle semble dans la même tranche d’âge que Mayumi mais est peut-être un peu plus jeune. Je ne sais pas. En tout cas, je la trouve vraiment rayonnante. Je crois que ce soir elle n’est pas passée inaperçue avec sa robe. Son prénom ? « Lolita. » D’accord. Je ne l’avais jamais entendu jusqu’alors. Lolita se propose de m’apprendre à danser. Ça peut être drôle. Mais est ce qu’elle sait danser le jazz au moins ? « Je danse le Charleston, le Quick Step, les claquettes aussi... Enfin là tout de suite je crois qu'un peu de Charleston serait une très bonne idée non ? » D’accord, rien que ça. Je dois avouer être plutôt impressionné par le bagage en danse de la dame. Mayumi semble ne pas y connaître grand-chose à côté. La valse peut-être comme le suggère Lolita ? En tout cas, ça m’arrangerait drôlement que Mayumi ne sache pas danser. Je me sentirai beaucoup moins seul pour le coup. « Je te montre ? » Ma tête se tourne aussitôt vers la danseuse qui vient de finir son verre d’une traite. Est-ce qu’elle va danser droit au moins après ça ? J’espère que c’était pas un alcool fort sinon la leçon va être difficile. « Oui, avec plaisir, je te regarde. » Tant que ce n’est pas à moi de bouger mes fesses après tout, ça me va. Je n’ai qu’à observer la femme attentivement. Un beau spectacle s’annonce en perspective. Je suis d’ores et déjà pressé de voir le résultat en vue de l’apparent professionnalisme de Lolita. « Regardes bien, après ce sera ton tour. » Quoi ?! J’ai dû mal entendre. Elle s’adressait à Mayumi, non ? Je ne veux pas danser moi ! Il ne vaut mieux pas, je serai vraiment ridicule surtout après le passage de la candidate qui a tout bonnement assuré en dansant le Charleston. « Alors tu veux essayer ? » Elle a déjà fini de danser ? Non, ce n’est tout bonnement pas possible. J’en veux encore ! Je ne veux surtout pas que ce soit à mon tour. Je me sens fixé du regard et limite persécuté. « Euh… si tu danses aussi d’accord. » Je n’ai pas dit ce que j’ai dit ? Si, malheureusement. Je me déteste en cet instant précis. Je commence alors à remuer mes pieds timidement. Un en avant. Un en arrière. Puis j’accélère. Je dois ressembler à un pingouin marchant sur sa banquise à tous les coups. « On se moque pas ! » J’imagine que ceux qui me regardent danser doivent bien rigoler. Je suis ridicule, j’en suis sûr. Je bouscule au passage un candidat sans faire exprès. Neil. « Désolé. » La catastrophe nationale. Je suis sûr qu’un éléphant serait plus souple que moi. Manquerait plus que le plafond s’effondre ! En parlant de ça, Hiroo semble paniqué pour une histoire de lustre bancale. Je crois qu'il a trop forcé sur l'alcool et qu'il ne voit plus très bien. De toute manière, je suis lancé sur la piste donc ce n'est pas vraiment ma préoccupation première.

Mayumi ne s’ennuie pas. Contrairement à ce que l’on pourrait croire. C’est sa nature, sa façon d’être. Elle écoute plus qu’elle ne parle. Et elle ne sourit pas naturellement. Quoiqu’elle peut le faire de temps à autre spontanément tout de même. Elle n’est pas hostile et méchante Mayumi. Au contraire, oui, elle est tout le contraire. Alors elle observe Xavi et Lolita, les principaux acteurs de la conversation. Tant qu’à faire, qu’elle soit avec des gens et qu’elle en profite pour observer leur s mimiques. Et puis finalement le jeune homme lui demande si elle sait danser. Oui, elle sait danser, un peu, pas tellement. Enfin, elle n’a surtout pas l’occasion de danser en règle générale. Elle a autre chose à faire et les soirées, ce n’est pas trop pour elle. « Un peu… » Elle répond, mais rapidement Lolita prend la parole pour parler de l’asiatique. Un peu comme si elle n’était pas là. La japonaise trouve ça malpoli, mais elle ne dit rien. Elle se contente de fermer un peu les yeux et de l’écouter. Elle parle d’ailleurs de valse. Si Mayumi préfère valser ? Son sourire laisse paraitre légèrement les dents blanches de la dame. Oh non. « J’aime la musique classique. Mais valser... Non. » Elle répond de façon vaporeuse, parce qu’elle n’a pas la nette impression que cela intéresse vraiment quelqu’un. Pas même les concernés, plus concentrer à danser justement. Surtout Lolita. Alors elle se contente d’observer encore et toujours : eux et la jeune fille qui s’en va… Rapidement, le deuxième et jeune japonais s’exclame et elle a la nette intention que ce soit à eux qu’il parle. Apparemment le lustre a un problème. Mayumi lève la tête vers celui, pour effectivement se rendre qu’il est un peu… Bancale. Elle pince ses lèvres. Elle, elle resterait bien en dessous parce qu’elle est certaine qu’il ne tombera pas. William n’est pas assez inconscient – elle l’espérait – pour laisser un lustre défectueux dans son château. Mais un accident est si vite arrivé… Elle avance alors vers ses camarades, qu’elle presse un peu avec ses mains. « Il a raison. Ne prenez pas de risque. Avancez… » Elle annonçait ça comme un ordre. Ca en était presque un. Alors que, comme une mère poule, elle les précède naturellement.

C’est la brune typée qui partage son avis la première alors que je verse un fond de whisky dans ma préparation, un sourire venant se percher au coin de mes lèvres à l’écoute de ses différentes indications. Je serais bien curieux de savoir comment elle me qualifie. […] Ouais non en fait, c’est pas vraiment essentiel. « Toi t’es sûrement le genre à t’faire des amis facilement. » J’énonce l’évidence en scrutant plus attentivement ‘l’hypocrite brune en train de gratter l’amitié’ (GABRIELLE) qui avait également retenu mon attention. Petite, frêle, jeune. Mon regard se fixe sur elle sans aucune discrétion alors que j’ajoute la dernière touche à mon cocktail. Et je n’fais pas vraiment attention à la suite des mots que prononce ma voisine, en fait je laisse bien cinq secondes s’écouler avant de tourner vers elle mes pupilles dilatées. De quoi ? Je n’perçois plus que le terme ‘verre’, aussi je saisis un gobelet vide que je lui tends généreusement. « Tiens. » Mais à en juger la tronche qu’elle tire, je me dis que je me suis probablement planté sur sa requête. Tant pis. De toute façon je suis désormais bien trop occupé à m’inquiéter pour le candidat qui s’agite devant nous (XAVI). Putain il fait une crise d’épilepsie ou quoi ? Faudrait peut-être l’aider non ? Non, en fait je crois qu’il a juste dû fumer un truc super puissant et qu’il ne contrôle plus rien. Quoique … attendez … oh j’y suis : il danse. Enfin, il essaie de danser, le charleston à en juger la prestation de sa partenaire. C’est honorable ma foi, même s’il dégage un charme équivalent à celui de Steve Urkell. Il pousse même le ronchon de service (NEIL) au passage –réaction ?- sans s’arrêter parce que le mec, il est à fond. Faut avouer qu’avoir l’espagnole ensorcelante comme professeur, ça change un homme. Je lance même un petit regard accompagné d’un sourire à l’éclopée (WILL) pour lui désigner le couple de danseurs, et souligner l’effet de Lolita sur les candidats masculins du château genre : ‘t’as vu j’suis pas le seul’. « J’vais tâter le terrain. » Je précise avant de me diriger vers ma cible (GABRIELLE) tandis que le lustre tremblant devient le centre d’attention. Tiens, j’avais même pas fait gaffe à c’machin. Enfin ça m’étonnerait que Willy écrabouille quelques candidats pour mettre un peu d’ambiance alors qu’il lui suffit d’attendre que les bouteilles se vident. M’enfin, ça me donne une bonne excuse pour aborder la brune. Aussi ma main s’accroche à la sienne et tire doucement dessus pour l’écarter de l’objet vacillant qui fait débat. « J’t’ai sauvé la vie. » J’annonce fièrement en louchant sur les détails brillants de sa robe. Ouais ça va,  je fais comme je peux. « En échange tu m’aiderais à améliorer mon cocktail ? » Je l’interroge en brandissant un verre rempli d’un liquide rosé. Rose, ça donne toujours envie aux filles. Et puis je lui demande ça comme un service, alors franchement elle ne peut pas refuser, n'est-ce pas ?. « Faudrait lui trouver un nom aussi. » Tant qu’on y est, parce que si je compte déposer un brevet ou un truc comme ça ... Mes potes appellent ça le tord-boyaux, mais je n’suis pas convaincu que ce soit très vendeur.    

Une main plongé au fond de la poche de mon pantalon et l’autre agrippée à mon verre au liquide doré dégeulasse, je trône au milieu de la place en observant sereinement ce qui m’entoure lorsque je sens quelque chose venir me percuter dans le dos. Je me rattrape en prenant appui sur mon pied gauche, mais c’est déjà trop tard, l’alcool est déjà renversé et gît sur le sol du salon. Je me retourne pour lancer un regard noir au coupable, mais il s’agit d’un Xavi qui s’est déjà envolé un peu plus loin sur la piste de danse improvisée. Enfin, est-ce réellement une danse par ailleurs ? Il semblerait plutôt que les jambes du garçon fonctionnent toutes seules, sans réel lien avec ses bras qui se balancent sans logique par rapport à celles-ci de chaque part de son torse. Je le suis du regard, un sourcil arqué, pendant que j’hésite entre esquisser un sourire amusé et faire appel au service psychiatrique le plus proche. Enfin, s’il s’amuse comme ça. Je jette un coup d’œil à la flaque de bourbon par terre, avant de m’écarter l’air de rien, en la laissant comme telle. Si quelqu’un la voit, je ferais croire que c’est l’aveugle qui a loupé son coup en se servant, on leur pardonne tout aux handicapés. De toute façon, l’attention générale est pour le moment concentrée sur le lustre qui fait des siennes. Je lève lentement mes prunelles neutres vers celui-ci. C’est vrai qu’il montre des signes de faiblesses manifestent. L’asiatique de service version senior est d’ores et déjà en train d’essayer d’écarter tout ce beau petit monde du périmètre. Je suis trop orgueilleux pour suivre ses directives et je ne bouge pas d’un pouce. « Cent livres qu’il se décroche ! » Rien de plus efficace pour faire monter l’audimat qu’un accident prétendument inopportun. C’est un malin ce William. S’il pouvait en écraser certains au passage. Ce serait un moyen efficace d'éliminer la concurrence la mort par compression... Bon sang, ça commence à drôlement se balancer. Je me décide enfin à bouger.