SOIRÉE N°2 : SAINT VALENTIN À L'HONNEUR

Ce soir, vous le savez, la Saint-Valentin sera une dernière fois à l'honneur, en cette semaine où l'amour aura décidément été pour le moins omniprésent dans la demeure du Maître. Alors que ceux qui auront eu du mal à se faire à cette avalanche de romantisme serrent les dents pour cette dernière ligne droite, il en sera bientôt fini de tous ces bons sentiments. En attendant, si cette soirée est naturellement un dernier prétexte pour célébrer cette fête que beaucoup d'entre vous ont déjà certainement en horreur, elle sera aussi l'occasion d'écouter les réalisations de nos candidats masculins qui, le Maître vous le rappelle, avaient la possibilité de préparer un acrostiche en partant du prénom de leur choix, qu'il leur évoque ou non quelque chose, afin d'être ensuite jugés par leurs victorieuses camarades, qui composeront un jury impartial et censé départager ces messieurs en décernant trois premières places. Mais encore faudrait-il qu'ils osent faire part de ce qui sera alors représentatif de leur créativité, mais surtout de leur cran. Certains préféreront certainement passer leur tour, estimant qu'ils valent mieux qu'une activité pourtant censée les avantager. Car, rappelez-vous, si ces demoiselles vont devoir départager leurs camarades, c'est parce que des récompenses sont à la clé. Des récompenses qui pourraient bien s'avérer utiles au sein du jeu. Les participants sont donc invités à se manifester et à exposer leur création, qu'elle soit courte ou un peu plus longue, du moment qu'elle respecte le thème de base, à savoir la Saint-Valentin. Toute participation devra être rendue officielle lors de la soirée pour être prise en compte. S'il s'avérait que personne n'avait finalement dans l'idée de tenter sa chance, le Maître en tirerait les conclusions qui s'imposent. Les participants ont jusqu'à samedi soir pour officialiser leur participation.

La terrasse, alors délicatement décorée, a en tout cas été aménagée d'un buffet à base d'hors-d’œuvre en tous genres, allant des tomates cerises caramélisées aux cakes au gingembre, connu pour être aphrodisiaque, en passant par nombre de canapés plus savoureux les uns que les autres. Les amateurs de sucré préféreront sans doute les brochettes de fruits exotiques, les pommes d'amour et, bien évidemment, les diverses déclinaisons de chocolat, sans qui la Saint-Valentin n'aurait jamais aussi bien porté son nom.

Si la playlist de la soirée se veut plus contemporaine que celle du prime, sachez qu'il n'est pas impossible que le Maître se laisse aller à la tentation de vous témoigner, à sa manière, tout son amour ...

La Saint-Valentin n'est pas ma fête préférée cette année parce que je suis désespérément célibataire. En même temps, si j'avais été en couple je n'aurais jamais voulu me séparer de mon bien aimé et donc je n'aurais jamais passé les castings et ne serais pas là, dans le jeu. Ce soir, William nous avait préparé une petite fête. Comme le prime, celle-ci aurait pour thème la fête des amoureux. Je crois que nous aurions même droit à quelques poèmes de la part des candidats du château, puis nous les femmes, devrons les départager et désigner les plus méritants. Je soupirais à l'avance tout en enfilant ma tenue, une robe kaki, une  paire de talons noirs et quelques bijoux. C'était simple, mais ne dit-on pas que les choses simples sont les meilleures ? Je ne mettais pas beaucoup de temps à me rendre jusqu'à la terrasse où se déroulerait la réception. Cependant, lorsque j'arrivais, je remarquais vite qu'il n'y avait que très peu de monde, une seule personne en fait : Jessie. Je m'approchais donc d'elle et prenais une coupe de champagne. « Bonsoir. Où sont-ils tous ? Tu ne les as quand même pas mangé ? » J'essaye d'être drôle et je  souris. Ma mère m'a toujours dit de me méfier des petites personnes, elles cachent souvent bien leur jeu. Si ça se trouve, Jessie avait avalé tout cru les autres candidats et s'apprêtait à faire de même avec moi. Non, mais je pensent qu'ils vont tous arriver en même temps, en fait. Du mois je l'espère, ce serait triste de passer une soirée à deux de veille de Saint-Valentin à deux. Cela me ferait déprimer personnellement.

Une soirée pour la Saint-Valentin avant la fête? Je ne vais pas aller jusqu'à dire que cela porte malheur, mais ce n'est pas comme fêter son anniversaire avant la date ou encore ouvrir les cadeaux avant le vingt-cinq décembre? En fait je n'en sais rien. Bon dans tous les cas cela ne va pas me faire du mal d'y participer, puis de ce que je me rappelle, les garçons avaient une sorte de mission donc c'est l'occasion de voir ce qu'ils ont écrit. Pour l'occasion je décide, pour une fois, d'enfiler un short noir et un débardeur de couleur pourpre. J'attrape une veste noir dans le dressing avant de descendre les escaliers et de retrouver les autres candidats sur la terrasse. Pour l'instant nous sommes trois. C'est déjà mieux que d'être toute seule. J'esquisse un petit sourire à l'égard des filles. "Eh bien... ils se font attendre." dis-je avec humour.

Il parait que le sexe fort du château est féminin. J’ai des doutes. De sacrés doutes, mais puisque William exige de nous un poème, je m’y suis attelé malgré que le sondage les ayant élues était manifestement truqué. J’ai mémorisé les vers que j’ai inscrit de ma plume sur un papier, je me suis brossé les cheveux et j’ai même décidé d’enfiler un costume pour l’occasion. Je suis sexy. Ou du moins un peu plus que d’habitude, de quoi séduire toutes les candidates qui constituent le jury de ce petit concours plein de testostérone. Ouais, parce que réciter des acrostiches au cours d’une soirée dédiée à la Saint-Valentin c’est réservé aux vrais mâles. Je débarque muni de mon sourire crâneur sur la terrasse aménagée où la fête ne bat pas vraiment son plein. C’est presque désert, d’ailleurs bien que je ne me sois pas gêné pour prendre mon temps avant d’arriver. « Bah alors les nains, personne ne se lance ? » je m’interroge, quelque peu étonné. Enfin, je veux bien gagner par forfait de mes concurrents tant que je remporte tout ce que notre hôte nous fait miroiter dans ses discours. Je fais quelques pas pour me mettre au milieu de la terrasse afin de capter l’attention générale. « Je dédie ce poème à ma muse de toujours. » Théodora, quoi. Je suis sûr qu’elle va l’adorer celui-ci. Je jubile d’avance. Je m’éclaircis légèrement la gorge pour dévoiler ma participation tout en théâtralité.

« Tu me supportes difficilement, moi vrai fripouille
Hélas je n’y peux rien si mon dessous me chatouille,
Et quand je me couche toujours tout seul
Outrage, il y a mon lit qui se fout de ma gueule ;
Désolé ma tendre, ma charmante Bada Bing
Oui depuis notre rencontre je n’en ai qu’après ton string
Romantique pour la Saint-Valentin je veux bien essayer d’être
Ainsi peut-être un jour pourrais-je espérer te prendre en… »

Je salue mon auditoire, puis me dirige vers le buffet pour choper une pomme d’amour dans laquelle croquer, les laissant méditer sur mes rimes douteux. Espérer de moi un poème romantique, c'est mal me connaître. A vrai dire je suis plutôt content de ce que j'ai réussi à concocter, je ne me défais pas de mon sourire d'idiot fière de sa connerie.

Ce que l'on pouvait dire, c'est que je n'étais pas franchement inspiré par le nouveau jeu de la Saint Valentin, organisé par la production. Peut-être était-ce parce que je ne savais pas bien quel nom choisir. Il y avait tellement de filles, et me diriger vers les personnes qui m'étaient les plus chères était peut-être un peu trop prévisible, mais au final, c'est ce que tout le monde allait probablement faire. J'avais donc choisi de m'orienter vers Dalia, qui était la fille que je connaissais le mieux ici. J'aurais également pu prendre Gabrielle ou Jessie, voire Enid ceci dit, mais il me semblait logique de partir vers ma partenaire de couchette, avec qui je partageais la plupart de mes journées. Prévisible donc. J'écoutais, légèrement angoissé, les acrostiches des autres, trouvant le mien franchement trop simple. Celui de Neil eut même le don de me faire sourire. Bon, c'était à mon tour, et on pouvait clairement lire "paniqué" sur mon front, hm. La dernière fois que je m'étais produit ainsi, c'était derrière mon piano. A vrai dire, toute ma vie, je n'avais été que derrière ce piano. Aujourd'hui, j'y allais sans rien. Et ça me faisait drôlement peur, même devant des personnes que je connaissais.
« Dans les moments de doute, et lorsque le coeur n'y est qu'à moitié,
Autrefois oublié, par ceux qui n'étaient que sang et chaire,
La lumière au bout du chemin, tu m'as montré.
Il n'y a que toi qui puisse me guider, mes gestes, mes mots, mes contraires,
Avec tout ce que je t'ai prouvé, tu m'as accepté. »Je baissais les yeux. Ma main droite semblait même à celles d'un octogénaire. J'avais réussi à le faire. A parler. Et même si ma voix n'était pas des plus confiantes. Même si je n'arrivais pas en tête de ce concours, j'avais appris ma leçon du jour.