ENTRETIEN N°5 ~ BRITTA

mise en situation

Le candidat a été convoqué au confessionnal une demi-heure plus tôt. On lui a bandé les yeux et on l'a conduit jusqu'à une porte qu'il n'a eu qu'à ouvrir, puis on l'a fait entrer en la refermant derrière lui. Les yeux maintenant découverts, le candidat se trouve alors dans un petit vestibule, tandis qu'on lui a préalablement indiqué de se diriger vers les rideaux qui lui font face et de pénétrer à l'intérieur de l'espace qu'ils cachent, à savoir un petit cabinet victorien où le chroniqueur l'attend.

Il est vrai que le choix qu'avait opéré Alfie pouvait laisser songeur étant donné que Charly lui avait bien fait comprendre, deux semaines plus tôt, qu'une certaine Britta n'aurait rien contre l'idée de passer un peu de temps en sa compagnie – et certainement pas à laver les carreaux – et qu'en plus de ça la réputation de la jolie blonde n'était plus vraiment à faire. Mais a priori, ce qu'il avait confié à Aston lors du premier entretien, à savoir que sa situation familiale ne lui permettait pas ce genre d'aventures – il n'était pas tout à fait divorcé, rappelons-le – était toujours d'actualité, ainsi donc il était peu probable qu'il se laisse émoustiller par son invitée, aussi indéniable soit effectivement le charme de celle-ci. C'est donc confiant qu'il l'attendit, un peu distrait il est vrai par la batterie faible de son portable. S'il y avait bien une chose qu'il ne comprendrait jamais, c'est comment celui-ci pouvait se décharger aussi vite alors qu'il l'utilisait à peine. Ainsi, l'entrée de Britta le tira de cette existentielle réflexion, tandis qu'un sourire narquois ne mit pas longtemps à gagner ses lèvres. Il se leva donc mais ne prit pas la peine de s'approcher pour autant. Non pas qu'il se croit irrésistible au point de penser qu'elle lui sauterait dessus au bout de cinq secondes, mais disons qu'instaurer une distance de sécurité lui semblait dans un premier temps assez bien pensé. « Parait-il que tu étais impatiente de me rendre une petite visite ? » énonça-t-il alors, histoire qu'elle sache que le message était bien passé et qu'en l'occurrence il n'ignorait plus rien de ce qu'elle avait pu insinuer au sujet de cette rencontre. « Et que tu voulais tester mon bureau, hm ? Mais pas toute seule, si j'en crois un certain blond. » Vraiment rien, non. Il ne la jugeait pas, ayant bien compris qu'elle ne se prenait pas au sérieux, qu'elle se moquait de ce qu'on pouvait penser d'elle et qu'elle assumait pleinement ses envies et ses désirs. En plus de ça, il était plutôt flatté. Il n'avait jamais vraiment eu une réputation de tombeur, avait même eu une vie beaucoup plus rangée qu'on pourrait le croire, alors oui il n'avait pas l'habitude de recevoir ce genre de propositions, même indirectement. « Du coup, j'ai tout prévu. J'ai fait de la place, j'ai même fait les poussières … Et tout ça pour que toi et moi, on s'amuse comme des petits fous. » Et il prit sans mal son air le plus enthousiaste pour accompagner ses dires. S'approchant cette fois-ci de quelques pas, il adopta une mine plus cérémonieuse, joignant ses mains devant sa bouche et gardant le silence un court instant. Il fit mine de réfléchir, son regard ancré dans le sien, et généralement c'est exactement la tête qu'il faisait quand il s'apprêtait à se foutre de la tronche de quelqu'un. « Sauf que je ne connais pas tes goûts, moi. Personnellement, j'ai déjà tout essayé, à deux comme à plusieurs, et je peux même me vanter d'avoir atteint un niveau honorable dans certains cas. » Et c'est alors que le doute était de nouveau permis qu'il revint vers son bureau et sortit de derrière celui-ci une pile de boite de jeux de société témoignant de son humour assez merdique, oui, c'est vrai. « Trivial Pursuit,  Puissance 4, Scrabble, Cluedo … Que des classiques, fournis avec beaucoup d'accessoires. Car je suppose que tu aimes ça, les accessoires ... » Et si ça ressemblait à un jeu de mots douteux, c'est très certainement parce que c'en était un, hm.

J'ai vraiment trop hâte d'aller voir Alfie dans son cabinet moi. Ça veut dire que Charly a bien fait son travail, ou qu'Alfie a très envie de me voir. Moi j'pencherais plutôt pour la première option vu qu'apparemment je vais garder ma culotte lors de cet entretien. Ouais ouais c'est ce qu'on dit. Mais ça n'empêche que j'ai trop envie de voir comment c'est là-bas chez Alfie, quelles questions il peut bien poser. Alors on m'a convoqué un peu avant pour y aller, et puis on m'a bandé les yeux. Genre j'ai pas le droit de voir où il est le cabinet, c'est nul mais je me plie aux règles. Je me laisse guider et je finis par rentrer là-dedans, franchement la déco est pas super, mais j'm'abstiens de faire tout commentaire pour le moment. Je détaille Alfie de la tête aux pieds, un sourire aux lèvres, il est vraiment canon quand même c'est vrai. « J'vois qu'on t'as bien renseigné, Charly a fait du bon boulot.» je réponds quand il me dit que j'étais impatiente de lui rendre visite et que je voulais aussi tester son bureau. C'est vrai que j'serais vraiment pas contre. Et puis non mais il se rend sans doute pas compte mais ya presque plus personne pour baiser dans le château, et c'est vraiment impensable que j'baise plus pendant des semaines. Ouais enfin bon je me doute bien qu'il se passera rien ici quoi. C'est pour ça que j'suis assez sceptique quand il me dit qu'il a fait la poussière pour qu'on s'amuse lui et moi. Du coup je me tais, je le regarde en souriant, je me mords légèrement la lèvre inférieure. Oui ça m'amuse assez au final. Donc il ne connaît pas mes goûts, et tout ça, je ne dis toujours rien, j'attends de voir où il veut en venir. Et il finit par me parler de jeux de société, d'accord j'aurais dû la voir venir celle-là. Je me mets à rire quelques instants. « J'suis un peu déçue pendant un instant j'ai pensé qu'on allait faire l'amour sauvagement sur ton bureau, et qu'on allait même inviter d'autres personnes. Tu sais pas ce que tu rates. Alors je vais choisir le Cluedo, et puis c'est vrai que j'aime beaucoup ça les accessoires, t'en aurais pas à me prêter d'ailleurs ? » Ouais non en fait là je parle plus de jeu de société là mais j'pense qu'il l'a compris, même s'il fera sans doute mine de ne pas comprendre où je veux en venir n'est-ce pas. « Mais si jamais tu changes d'avis, tu sais où me trouver.» Et puis j'me mets à rire, bon il changera sûrement pas d'avis en fait. « Et donc tu m'as invité pour faire une partie de Cluedo ? Dis-moi il faut faire quoi pour avoir ton job, parce que ça m'paraît vachement intéressant d'être payé pour faire ça. » Bah ouais c'est vrai, j'suis sûre qu'il est payé une fortune en plus.

S'il est certain que ses entretiens n'avaient jamais été des plus formels et qu'il y avait pris certaines petites libertés, Alfie n'irait certainement pas en profiter pour passer du bon temps avec une jeune femme qui, malgré tout le respect qu'il pouvait avoir pour elle, avait du traîner un peu partout. Et lui, en plus d'appartenir à un milieu où s'envoyer en l'air dans de pareilles circonstances n'aurait rien de très reluisant, était encore un homme marié et en dépit du fait qu'il ne vivait plus avec sa femme, tenait à honorer son engagement jusqu'au bout. Ce serait trop bête de lui offrir de quoi le dépouiller un peu plus. Ainsi donc, c'est plutôt déterminé à garder sa braguette fermé et ses idées en place qu'il avait conviée Britta à le rejoindre, lui qui ne se laisserait de toute façon pas déstabiliser par la première jolie blonde venue. C'est qu'il en avait vu d'autres et que la vie lui avait surtout appris à se contrôler dans bien des situations. Elle arriva alors, et il préféra lancer le sujet tout de suite, histoire de lui montrer qu'il savait tout. « Oui, il faut croire que tu l'as bien dressé. Mais, entre nous, je l'ai senti déçu. Déçu de ne pas avoir reçu la même proposition. » Oh, ça ne lui coûtait rien de faire ce genre d'allusions, vu qu'en plus il partait du principe que les blonds seraient gentils de se reproduire entre eux. Quoi qu'à en voir la tête de sa future ex-femme, on était en droit de se dire qu'il n'avait pas toujours pensé ça. Soit. Il ne put en tout cas lui cacher ses réelles intentions bien longtemps et lui présenta bientôt quelques boites de jeux de société. Honnêtement, il n'avait pas particulièrement envie d'y jouer, mais se foutre de quelqu'un impliquait parfois des concessions. L'occasion en tout cas de constater que Britta n'avait définitivement pas froid aux yeux. « Généralement j'attends de connaître une demoiselle depuis un peu plus de deux minutes avant de l'honorer, qui plus est sur mon lieu de travail. » Oui parce qu'il avait beau l'observer depuis quelques semaines, il ne savait rien d'elle. Presque rien, du moins. « Et puis, ton "sauvagement" m'intrigue. Imagine un peu que Bradley et Steeve nous entendent et interviennent en croyant empêcher un homicide. Comment me faire respecter après ça, hm ? Et puis non, je n'aime pas partager. Ça doit être mes gênes français qui ressortent. » Tout prétexte étant bon pour poliment décliner cette invitation, vous l'aurez compris. Encore heureux qu'elle ne l'ait pas entendu dire l'exact contraire à Charly. « Et c'est autant valable pour mes accessoires, que je garde jalousement, désolé. » Il avait en tout cas peu de chance pour qu'il change d'avis, ainsi donc il lui destina un hochement tête peu convaincu et un sourire toutefois encourageant. Non mais, dans d'autres circonstances, il aurait eu plus de mal à résister, qu'on se le dise. « Ça dépend. Tu te proposes pour ramoner la cheminée ? Non parce que je ne serais pas contre, bien au contraire. » Oh bah tant qu'à faire, c'est clair qu'il pouvait bien en profiter, hein. « Je dirais qu'il faut avoir quelque chose comme sept ans de métier. Bon, il est possible que mon irréprochable charisme m'ait aussi ouvert quelques portes, dont celle-ci, mais je n'y peux rien si la classe a toujours été innée chez moi. » Et la modestie aussi, oui, ça tout le monde l'avait déjà bien compris. « Pourquoi, tu envisages de te reconvertir à la télé ? Parce qu'ils recrutent des nanas pour présenter la météo en bikini sur ITV, ça te correspondrait mieux je pense. Et puis, je connais du monde là-bas, je peux te trouver des contacts si tu veux. » Ouais, c'est que le milieu du journalisme, et plus encore celui de la télévision, créait des liens indéfectibles. Mais il n'était pas sérieux pour autant, hein, évidemment.

Très franchement j'suis pas venue ici avec l'idée que j'allais baiser avec Alfie, c'est genre un truc que j'ai ditça comme ça à Charly quoi, j'me doutais bien que c'était pas possible, non mais franchement si ça l'était je dirais pas non, mais voilà quoi j'suis pas si conne que ça. Mais enfin j'suis contente d'être là c'est cool, ça me tire un peu de mon ennui et puis Alfie est canon aussi, alors c'est que du bonus tout ça quoi. « Oh ça ça m'étonnerait beaucoup. » Ouais franchement ça m'étonnerait beaucoup que Charly ait eu envie que je lui fasse la même proposition, je suis même sûre que non. Et puis il est très amoureux le Charly, j'sais pas de quoi ils ont parlé alors lors de son entretien s'il est même pas au courant de ça. En tout cas moi j'me demande bien de quoi on va parler en fait. Franchement j'ai eu un tout petit espoir qu'il puisse encore se passer quelque chose entre lui et moi, mais visiblement on va jouer à des jeux de société. Non mais très bien pourquoi pas, ça me fait rire, et puis il a bien joué la comédie je dois l'avouer. « Ah ouais et il te faut beaucoup de temps pour coucher avec une meuf ? » Non franchement j'demande pas ça pour moi, genre dans combien de temps tu penses qu'on pourra baiser tous les deux, c'est juste que j'suis curieuse. Parce que moi personnellement ça m'dérange pas du tout de le faire avec quelqu'un à qui j'ai à peine parlé, j'suis pas difficile. Et puis il me parle d'un truc qui n'a pas vraiment de sens. Du genre je f'rais trop de bruit, et ses collègues penseraient à un homicide, et il aurait plus aucun respect de leur part. N'importe quoi en gros. « En fait c'est quoi, j'suis pas à ton goût, t'es marié ? » Non parce qu'il y met beaucoup de cœur à refuser ma proposition, à moitié sérieuse qui plus est. En plus il veut même pas me prêter ses accessoires quoi, le radin. « C'est vraiment pas sympa. Tu sais pas où j'pourrais m'en procurer en tout cas dans le château ? » Ouais parce que moi ça m'intéresse, il doit bien avoir quelques tuyaux Alfie tout d'même. Enfin en tout cas j'pensais qu'il allait me poser des questions sérieuses quoi et en fait j'me rends compte qu'il est payé pour papoter avec les candidats et faire des jeux de société. Ouais donc moi si j'pouvais avoir le même job j'aimerais bien tu vois, normal quoi. « Ah non j'suis désolée je fais pas dans le ramonage de cheminée. » Ouais j'pense que mon boulot de serveuse rapporte plus que de venir ramoner sa cheminée une fois par an, ou j'sais pas comment ça s'entretient moi ces bazars. « C'est pas la modestie qui t'étouffe dis-moi. » que je lui réponds dans un léger rire. Oui parce que bon il vient juste de parler de son charisme, de sa classe, non mais il fait ce qu'il veut, enfin tant mieux s'il a tant de confiance en lui quoi. « Ah ouais tu pourrais faire ça tu crois ? Parce que franchement moi ça m'plairait bien de présenter la météo en bikini franchement, c'est trop fait pour moi en fait j'crois. » Non mais ouais trop en fait, ce s'rait trop cool.

Non, bien sûr, Charly ne lui avait pas paru particulièrement dépité lorsqu'il lui avait fait part des intentions de Britta. Alors oui, Alfie ne faisait ici qu'avancer une chose qu'il savait pertinemment fausse, à moins que le fameux blond ait été suffisamment malin pour ne rien montrer de la peine que lui avait provoqué cette histoire, mais c'était peu probable étant donné qu'Alfie se savait suffisamment perspicace pour avoir perçu quelque chose s'il y avait vraiment eu matière à supposer quoi que ce soit. « Il ne montre rien devant toi mais ce garçon a le béguin, moi je l'ai su dès qu'il a ouvert la bouche et que ton nom en est sorti. Si tu avais entendu sa façon de le prononcer, tu en aurais toi aussi déduis que cet homme est littéralement épris. » Oui, et il l'avait su le temps de la prononciation de deux syllabes, bien entendu. C'est qu'il pouvait toujours essayer de l'en convaincre, même s'il aurait eu plus de facilités avec sa précédente invitée, celle à qui il aurait pu faire croire à la fin du monde simplement en faisant sauter le courant. En tous les cas, histoire d'être sûr que les choses soient claires, Alfie tint à préciser qu'il évitait généralement d'honorer une femme sans la connaître un minimum. Disons qu'il n'était pas de ceux qui profitaient d'une moindre situation pour se laisser aller. « Ça peut paraître vieux jeu, mais j'ai toujours aimé faire la cour aux femmes que je voulais voir entrer dans ma vie. Et courtiser, ça prend du temps. » Il ne répondait peut être pas directement à sa question, et passait sans doute par la même occasion pour un ringard - n'est-ce pas Charly - mais ne pouvait décemment pas prétendre qu'il pourrait copuler avec n'importe qui, n'importe quand et même n'importe où. Comme quoi, il était principalement renfermé dans un rôle de composition. « Britta, voyons, quel homme pourrait sérieusement prétendre que tu n'es pas à son goût ? » énonça-t-il en tout cas, faisant un tour sur lui-même puis s'asseyant sur le coin de son bureau. « Mais je suis marié, oui. » Et il préféra ne pas nuancer, ne pas parler d'instance de divorce, autant pour clore ce chapitre que pour ne pas parler de choses peu agréables. Quant aux accessoires, il n'aurait décidément pas du se lancer là-dedans. « Oh, et bien, je suis quasiment sûr que William en a toute une collection. Peut être que si tu te montres gentille avec lui, et par là je n'insinue pas nécessairement que ... enfin, tu vois ... il te prêtera certains de ses joujoux. » Et le plus amusant dans cette insinuation, c'est que toutes les interprétations qu'on pouvait en faire étaient plus douteuses les unes que les autres, hm. Semble-t-il en tout cas que Britta n'était pas particulièrement partante à l'idée de ramoner la cheminée. Tiens donc, qui l'eut cru ? Feignant alors une immense déception, Alfie laissa bientôt un large sourire gagner ses lèvres. « Mo-quoi ? Hm, jamais entendu parler. » Ce serait mentir que de jouer les faux modestes, alors oui, il avouait sans mal qu'il s'était toujours trouvé classieux. On le lui avait tout autant répété après tout. « Je crois aussi. Tu as le profil, ne nous leurrons pas. Et sans moi, tu serais passée à coté de ta vocation encore longtemps. » Oh bah voyons. « Mais tu t'y connais un minimum en géographie, au moins ? Parce que remuer le popotin, c'est bien, mais éviter de confondre les Midlands de l'Est et les Midlands de l'Ouest, c'est mieux. » C'est que ça la foutrait mal, en bikini ou pas.

Je suis genre à 100% certaine que j'intéresse absolument pas Charly, comme toutes les autres filles à part sa meuf quoi. Contrairement à ce qu'affirme Alfie, parce que j'sais bien qu'il raconte des conneries et ça me fait rire, parce que je sais que tout ça est absolument faux. « Ah oui tu penses ? Si tu le dis je n'peux que te croire. Alors je pense qu'on va avoir une petite discussion lui et moi. » Oui bien évidemment, c'est franchement facile de voir à quel point Charly est amoureux de moi. Et sinon trêve de plaisanteries il faut combien de temps à Alfie avant de baiser avec une femme ? Non parce que ça c'est un sujet très sérieux. Moi ça me rend curieuse, j'ai très envie de savoir, parce que vraiment moi je pourrais pas attendre très longtemps avant de coucher avec quelqu'un, j'pense pas qu'il soit nécessaire de connaître quelqu'un pour coucher en fait. « Donc toi les coups d'un soir c'est pas ton truc c'est bien ça ? » Non c'est ce qu'il semble me dire, enfin j'sais pas je ferais pas la cour à une femme pendant des jours rien que pour pouvoir la sauter un soir quoi. Du coup j'comprends mieux pourquoi il veut rien faire avec moi, ou alors je l'intéresse pas ou il est marié. J'vois que ça. Bon visiblement je suis assez à son goût, ce qui me fait plutôt plaisir, de même que le commentaire qu'il ajoute. Et donc il est marié. « Et ça s'passe comment avec elle ? Ou lui d'ailleurs il paraît que c'est légal maintenant. » Ouais j'suis pas trop au courant des lois de ce pays, vu que j'en ai pas la nationalité en fait. Et puis de toute façon j'vois pas Alfie gay en fait. Même si ça me dérangerait pas hein, moi-même j'aime aussi les femmes donc. Et d'ailleurs vu qu'il veut pas me traiter ses accessoires, peut-être que j'pourrais en trouver quelque part dans le château, il doit avoir des plans le Alfie. « Tu crois qu'il serait assez gentil pour me les prêter ? Et il faut que je fasse quoi à ton avis pour qu'il accepte ? » Parce que ça m'intéresse du coup, j'aimerais bien que Willy soit gentil et me prête ses accessoires. J'suis sûre qu'il peut faire ça, je lui rendrais après. Et puis Alfie m'a même trouvé un job vous voyez, c'est vraiment cool cet entretien. Bon même si j'pense pas que ça ait aucune chance d'aboutir. « Euh ouais j'sais distinguer l'Est de l'Ouest quoi, mais moi j'connais pas trop la géographie de votre pays en fait. » J'me suis jamais réellement penchée sur la question faut dire.

C'était mal de mentir, certes, mais Alfie n'avait jamais vraiment eu la notion du bien et du mal, ainsi donc il était peu probable qu'il ait mauvaise conscience de faire croire à Britta que Charly était éperdument épris de sa personne. D'autant plus que ça n'était pas comme si elle risquait sérieusement de le croire, ou bien de se lancer dans une dévorante passion. Non, il voyait bien de toute façon qu'elle n'était pas particulièrement convaincue. « Oui, d'autant qu'il est bien connu que la vérité sort toujours de la bouche d'Alfie. C'est une clause universelle. » Et on mesurait sans mal qu'il était lui-même très ironique dans sa façon de le dire, étant heureusement bien conscient de l'absurdité qu'il venait de sortir. Il encouragea en tout cas son idée de discussion, se doutant pourtant qu'elle n'en toucherait peut être même pas un mot au blondinet, ou uniquement pour se foutre de sa tronche à lui. Mais ça n'était pas comme s'il n'avait pas l'habitude, vu ce qu'il pouvait lire sur les lèvres de quelques chenapans durant les primes. Quant au reste, il est certain qu'il ne s'était pas attendu à parler de sa façon de procéder avec la gente féminine. Non pas qu'il ait honte d'être plus "gentleman" qu'il avait tendance à le laisser penser, mais il ne voyait surtout pas trop l'intérêt de lui confier qu'il préférait effectivement connaître un minimum une femme avant de la mettre dans son lit. « A vrai dire, mon travail prend tellement de place dans ma vie ces temps-ci que je ne pourrais même pas avoir ce genre d'aventures si je le voulais. Il m'arrive de passer l’entièreté de mes week-ends dans ce cabinet, et d'être ici avant même que William n'ait ouvert un œil. » Oh il savait bien qu'il pouvait donner l'apparence d'un branleur, mais le fait est qu'il avait effectivement mis sa vie personnelle entre parenthèses depuis quelques temps. Et quel heureux hasard qu'il eut justement à parler de sa future ex-femme. « Elle. Et ça se passe … hm, non attends, je me demande tout à coup depuis quand toi et moi sommes proches au point que je puisse vouloir te parler de mon couple. Ou de ce qu'il en reste. » Non pas qu'il veuille subitement devenir désagréable, mais ça faisait partie des sujets qu'il n'aimait pas évoquer, et surtout pas avec n'importe qui. Britta était une chic fille, mais sa curiosité la perdrait. Il fut ensuite question d'accessoires. « Oh mais oui, la générosité de William n'est plus à prouver. » C'est qu'il croirait presque lui-même à ce qu'il disait, en plus. « Si tu veux mon avis, et il va de soi que tu le veux, tu devrais prendre personnellement en charge la préparation de sa tisane quotidienne. Il sera forcément sensible à ta dévotion et ne te refusera rien. » Le pire, c'est qu'à bien y réfléchir, il était presque sûr que ça constituait vraiment la petite faiblesse du Maître. William et ses tisanes, une grande histoire, on le sait tous. « Hm, dans ce cas, je crains de ne pas pouvoir faire grand chose pour toi. A moins que tu sois particulièrement convaincante en bikini, ce que je ne remets pas en question. J'aurais bien aimé m'en faire une idée d'ailleurs, mais j'aurais l'air fin après mes grands discours de tout à l'heure ... » Alors disons qu'il allait se persuader qu'un grand avenir l'attendait, et puis voilà, hein.