je m'étonne pas spécialement quand william nous convoque dans le salon. y'a rainer qui est déjà posé et je sais pertinemment ce qu'il va dire. je m'assois, là, assez calme, faisant face aux autres candidats sans pour autant les regarder dirèctement. ce moment, il est entre lui et moi. les jeux sont faits, rai prononce les mots qu'il m'a balancé un peu plus tôt dans la journée et je me pince les lèvres avant de me redresser sur mon fauteuil. je tourne ma casquette en arrière et pose mes mains sur mes genoux. mon père est médecin, je t'en ai parlé. après avoir parcouru les routes pendant une dizaine d'années, mes frères et moi on était tous ado et on commençait à se marcher dessus, à péter un câble dans les m2 restreints du van. pour la première fois, on a eu besoin de quitter cet univers pour découvrir d'autres horizons. la ville. mon père a décidé qu'on retournerait à rio et il a relancé une ancienne société familiale, avec mon oncle. je marque une pause une startup qui faisait des recherches sur les vaccins un sourire se dessine sur mes lèvres ça a marché, ils ont levé beaucoup de fonds, profité de la notoriété passée, se sont aggrandis. tu sais, ça allait vite, surtout au brésil, avec les virus tropicaux, la recherche est assez avancée. la boîte a été vachement médiatisée, ils avaient un background solide, des chercheurs brillants, un bon business plan. ça roulait quoi, tu vois je me passe une main dans le cou avant de reprendre puis, après quelques années de recherche et développement on a lancé notre première étude clinique, avec le soutien d'un gros labo. et au bout de quelques mois, un patient est mort ça me tend toujours un peu, d'y penser, mais je me force à continuer sans vouloir perdre mon message t'imagines, ça a été l'hécatombe. tapage médiatique, critiques, journalistes violents, destruction de tout un travail, de plusieurs années de recherche. décrédibilisation je siffle, marque une nouvelle pause et jette un coup d'oeil aux autres avant de reposer mes yeux sur rainer je sais. que l'industrie pharma est considérée comme le grand mal de la société. je sais, qu'il y a des dérives éthiques. je sais, qu'il y a des fraudes, des investissements douteux. j'y ai bossé, un peu plus d'un an, dans la startup. je suis pas con, je suis pas aveugle. mais nous, on n'était qu'une startup. avec des chercheurs qui bossaient vraiment, vraiment, pour faire avancer la médecine. parce que ces virus, en amérique du sud, c'est un drame social, c'est un enjeu majeur de santé publique. et tout ça, on l'oublie aussi vite que la première dérive est arrivée. je me pince les lèvres et c'est un drame, ce qu'il s'est passé. mais j'en ai aussi marre qu'on tombe dans ce piège de la critique facile, évidente, contre la pharma. parce que c'est comme ça, parce qu'on a décidé qu'ils représentaient le grand mal de la société. moi, ce que j'y ai vu, c'est des chercheurs, des gars qui croyaient à leur métier et à l'importance de leur action. on nous tape dessus parce que la société a besoin de scandales. mais la réalité c'est aussi que des gens qui ne maîtrisent absolument pas un sujet se laissent embobiner dans le jeu pourri de la presse et des médias. je hausse les épaules j'ai quitté la boîte, parce que moi-même ça m'a pas plu, cette affaire. mais j'ai eu aussi envie de prouver au grand public que ces gars qu'on dépeint comme des salauds, comme des grands requins, c'est des personnes lambda. des personnes comme toi et moi, qui au fond, ont aussi un rêve et un espoir. je souffle un coup et mes épaules se font droites avant de finalement conclure c'était mon action politique. montrer qu'il faut arrêter de se baser uniquement sur une impression et des clichés. parce qu'un surfeur, un mec relax comme moi, un mec qui croît aux combats et à une construction équitable de la société, ça peut aussi être quelqu'un qui croit en la recherche et en l'importance de ces boîtes que tout le monde méprise. casser l'image et faire justice à cette affaire. je lui tends la main bravo mon pote.
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