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 ancora tù (mar, 17h)

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Santo
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Message (#) Sujet: ancora tù (mar, 17h) — Lun 27 Juil - 14:09

@aera

Ils pourraient nous filer des secrets bonus à dégommer pour s'occuper pendant la dernière semaine. Parce que lui, deux jours après le prime il tournait déjà en rond comme un tigre en cage. Après sa tirade Santo tout ce qu'il voulait c'était un message de Rosso lui confirmant que tout allait bien, à Napule. Il ne s'attendait pas à recevoir de message de Luci' ou de sa mère, bien trop inquiète ou énervée, mais il scrollait le RS comme un dingue dans l'attente d'un signe. Rien. Niente. Histoire de... Aera, elle pouvait bien saisir la fin de la phrase. Pas devenir fou. Voilà, c'était posé. Il pétait une durite. Dans sa gueule ça tournait à cent à l'heure et Santo il avait juste envie de s'enfuir par le lac, comme un roi, à bord d'un jet bruyant, sentir le vent lui éclater au visage et partir. Définitivement. Rentrer. A côté de ça son égo de joueur voulait choper le chèque final. Il se refusait la dernière place de finaliste. Ce qui l'inquiétait le plus c'était surtout que Cos ne tienne pas sa promesse. Le truc implicite sur lequel ils s'étaient accordés samedi. Pas de coups bas. Un départ ensemble, insieme, peu importe quand. Son regard s'était glissé sur le visage de la coréenne et sans vraiment prononcer quoique ce soit ils avaient quitté le jardin pour filer vers la chambre Amadeus. C'était convenu. Et à ses yeux, ça devait arriver maintenant. Parce qu'à défaut de pouvoir contrôler le dehors il avait au moins besoin d'en parler, Santo. Et Aera était la mieux placée pour lui poser les questions qu'il attendait. Je dois mettre une limite ? Référence aux 3 questions dont lui avait parlé Costa. Il était souriant, Santo, mais pas pour autant serein. Son calme n'était qu'apparent, c'était de la gueule, du théâtre, une intériorisation extrême de tout ce qui le butait. Il était en aparté. Jusqu'à dimanche soir. Une dernière fois. Sauf qu'une fois face à la porte il s'était retenu, braquant ses yeux gris sur elle. En fait ça me soule viens on marche, j'ai pas envie d'être assis comme une loque. Il était trop plein d'énergie. Inépuisable. Et il n'avait pas envie de se faire prendre au piège des émotions à vif. Sa vie, là tout de suite, c'était de l'ultra-concret.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Lun 27 Juil - 18:47

Au commentaire de Santo, elle hausse un sourcil mi-perplexe, mi-moqueur. « Dis-le si ma compagnie te suffit pas » elle feint de se plaindre avant de glisser un sourire amusé. Faut dire que tout a un goût de fin depuis le prime deux jours plus tôt. Dernière semaine, plus de secret à protéger ou buzzer, plus de révélation, quasiment plus de candidats en lice. Ca se sent dans l'atmosphère du chalet qui ressemble moins à une colonie de vacances qu'à un ensemble nostalgique, mélancolique, un peu déprimant en vérité. Sa décision à elle est déjà prise depuis vendredi dernier, elle ne compte pas s'attarder toute la semaine, parce qu'elle n'a plus grand-chose à faire ici. Si son statut d'éliminé était déjà bien présent la semaine précédente, elle pouvait au moins expliquer qu'elle avait des trucs à régler. C'est chose faite, ou presque. Restent quelques discussions à avoir, et s'épargner la difficulté des au revoirs en face à face comme la lâche qu'elle a toujours été devant les difficultés. Santo, c'est l'une de ces discussions, sauf qu'elle sait pas comment l'aborder. Ils sont seuls pour la première fois depuis le prime, et elle a conscience que c'est littéralement le moment ou jamais parce que dans quelques heures, après une dernière soirée, une dernière discussion, elle partira sans se retourner. La question qu'il lui pose lui vaut de recevoir un bref éclat de rire avant de secouer la tête. « C'est pas comme ça que ça fonctionne » elle offre pour toute réponse, une manière bien à elle de lui faire savoir que s'ils ont des choses à se dire, le cœur de ses questions elle les réserve à quelqu'un d'autre, indirectement présent dans la référence qu'il lui a glissée. Ils s'apprêtaient à prendre la direction de la chambre Amadeus, avant que Santo ne change d'avis et opte pour l'action, à se promener dans les jardins. « Comme tu veux » elle valide avant de calquer son pas sur le sien. Elle le sent hyperactif, agité, impatient. Ca se comprend, après ce qu'ils ont révélé pendant le prime. Si son regard à elle n'a pas changé, ça ne veut pas dire qu'elle se méprend sur celui qui se tient à côté d'elle. « Tu te rappelles quand tu m'as dit que t'avais du sang sur les mains au confess ? » elle lance alors, à moitié perdue dans ses propres souvenirs. « Je veux que tu me racontes. » Pour réaliser. Parce que tout lui paraît encore un peu surréaliste et que, comme toujours, Aera a besoin qu'on mette des mots sur des réalités pour réellement les saisir. « Sans enrober. Juste ta vérité. »
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Mar 28 Juil - 7:50

L'attente des derniers jours était invivable pour Santo. Il pouvait vriller en un quart de seconde, tantôt étouffé par ses pensées et ses appréhensions, tantôt enlisé dans son euphorie électrique. Le message de la veille avait, finalement, uniquement attisé son impatience. Savoir Luci' en sécurité, au même titre que ses frères et sa mère, c'était ce qui comptait le plus. Il se les visualisait tous, là, dans cette villa qu'ils avaient longtemps cherchée, à l'idée d'y construire leur camp de base. Leur refuge. Cet endroit d'où ils pourraient tout contrôler en ne risquant rien. Mais même s'il avait une confiance éperdue en Draco et Rosso, il ne pouvait s'empêcher d'attendre le contrecoup. Il avait toujours vécu dans l'inconscience des conséquences, Santo, toujours convaincu qu'ils réussiraient à tout. Tout faire. Comme ils le voulaient. Toujours. Dans le feu de l'action c'était simple d'exacerber cette assurance, mais ici, loin d'eux, dans une dimension qui ne ressemblait en rien à leur vie de là-bas, la lassitude laissait assez vite place à une certaine anxiété. Pas celle du dehors et de ce qu'ils y affronteraient, mais plutôt celle de ne jamais retrouver ce qu'ils avaient laissé cinq ans plus tôt. Il n'avait pas répondu à la plainte étouffée lancée par Aera, se contentant de lui sourire en levant les yeux au ciel. Pas besoin de ça. Au fond, elle savait très bien qu'il n'avait aucunement sous-entendu une telle chose. Et puis il avait fini par lui lâcher ses émotions à vif, la semaine dernière. Une clope s'était glissée entre ses lèvres, inévitablement, pendant qu'ils avançaient dans le jardin. Cos avait découché, la veille, et si ça l'avait une seconde effrayé il avait vite compris la raison de son absence. Un peu comme il ne se leurrait pas sur l'issue de cette conversation. Se cacher dans l'Amadeus ne lui suffisait plus. A ce stade il savait que plus rien ne méritait d'être éloigné des caméras. Il était fiché, Santo, rien ne changerait vraiment la liste des crimes dont on l'accuserait. Pas même ce qu'elle venait de lui demander et qui résonnait dans sa tête comme une petite bombe. T'as raison, j'ai enrobé au confess. Qu'elle le sache d'office, parce qu'il n'avait pas l'intention de mâcher ses mots. La première personne que tu tues, elle te pèse sur la conscience. Mais après ça disparaît. Parce qu'on cherche à te buter tout autant. Et ça devient juste de la survie. Il ne cherchait pas à l'encombrer de son regard, Aera, conscient que pour n'importe qui cette discussion pouvait être extrêmement inconfortable. On a toujours refusé de tuer pour tuer, parce qu'on voulait pas ressembler aux autres. Et c'était pas la mort qui nous élevait. C'était le fait d'être vivants, des mômes et de réussir sans infliger la peur dans le quartier. Ca c'était important de le préciser, parce qu'il n'avait jamais douté du bien fondé de leur existence. Ca n'empêche qu'il y a eu plusieurs fois où on a tiré sous ma fenêtre. Et plusieurs fois où on m'a pointé un flingue dessus, quand je descendais de mon scoot. A ce moment tu réfléchis pas, c'est au plus rapide. Santo, il en avait comptées cinq, des victimes de son arme. Toutes dans des règlements de compte, comme ce qu'il venait de lui souffler. La seule fois où j'ai tué par vengeance c'était la première. Il s'appelait Lorenzo Mazzarella et il avait 20 ans. C'était le plus jeune cousin du boss et il a voulu me toucher en me disant qu'il avait buté mon grand-père. Cette fois il s'était arrêté un instant et avait relevé son regard vers le sien. Après coup j'ai compris que c'était faux. C'était juste une façon de m'atteindre. Et il avait réussi, le Mazza'. Quitte à se prendre un coup de poignard en plein dans le bide. Ca l'avait renversé, à l'époque, Santo. Non seulement parce qu'il s'agissait d'un Mazzarella pur sang, mais surtout parce qu'il n'avait jamais anticipé ce que ça lui ferait, de prendre la vie. Après ça, il savait que sa tête était mise à prix. Et si elle avait suivi leur histoire, Aera, elle allait comprendre toute seule pourquoi on avait pu le cibler aussi directement, au-delà de son statut de chef de paranza. Parce qu'à l'époque il avait 12 ans. Et il avait vite du apprendre à vivre avec sa culpabilité. Ce souvenir, il est plus douloureux que les autres. Mais ça s'arrêtait là. C'était juste une pièce de son équation. Des moments de sa vie. Rien de plus.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Mar 28 Juil - 23:48

Elle se souvient de combien la discussion au confess l'avait marquée, à un moment où elle ne comprenait pas encore toutes les implications de ce qu'il était, Santo. Même maintenant, elle a du mal à le voir sous cet angle-là, celui du criminel au sang sur les mains. Avec Costa, c'est facile de l'imaginer, parce qu'il a la gueule de l'emploi, avec son regard sérieux et froid. Mais Santo, c'est tout l'inverse, il a encore l'innocence des traits sur son visage qui contraste violemment avec le type qu'il est devenu dans cette paranza. Lui demander de lui en raconter plus, c'est avant tout une façon pour elle de raccrocher le portrait qu'elle a fait de lui avec la réalité. C'est une tentative vouée à l'échec, mais elle a pas envie de minimiser ce qu'il est ou ce qu'il a fait, ce qu'il refera encore sans doute si l'opportunité lui est donnée de le faire. Elle a envie de le voir pour ce qu'il est vraiment, avec tout ce que ça comprend d'immoral. Le truc, c'est qu'Aera elle a une moralité très nuancée, qui oscille au gré de ses expériences. Certaines choses la rendent dingue, d'autres la laissent relativement de marbre. Elle n'a pas la douceur ni la naïveté d'une Rosa, qui cherche le beau et le bon dans tout ce qu'elle voit autour d'elle. Aera elle est bien plus brutale, bien plus ambigüe dans son approche de la vie. Dans son échelle personnelle très biaisée, elle voit ce que fait Carl comme pire que ce qu'ont fait Costa et Santo, parce que faire d'une femme une proie, même si ça ne se concrétise jamais physiquement, c'est plus grave que d'ôter la vie d'un homme pour les bonnes raisons. Y a des nuances dans ce constat, forcément, des paramètres dont il faut tenir compte, mais elle n'a jamais fait partie de ces personnes qui se pensent incapables de vouloir la mort de quelqu'un. Elle pourrait. Et si elle avait le courage et les ressources, elle le ferait peut-être même. La vengeance c'est quelque chose qui résonne en elle, un peu en filigrane, toujours en arrière-plan. Elle l'a jamais directement cherchée pour elle, parce que ça n'aurait pas servi à grand-chose et que ce qu'elle a vécu, c'était étrangement pas personnel, c'était une parmi tant d'autres. Santo, à l'inverse, on s'en est pris sciemment à lui. « Et ça a marché, au final » elle souffle en continuant d'avancer à côté de lui. « Ca t'a atteint » elle précise avant de tourner son regard vers lui. Leur discussion de la semaine passée est encore fraîche dans sa mémoire, et notamment ce que la perte de son grand-père a eu comme résultat dans sa vie. « Pourquoi il est plus douloureux ? Parce que c'était le premier, ou qu'il était très personnel ? » Ou bien les deux, plus vraisemblablement. Il y a une forme de fascination morbide en elle, un peu comme quand on ralentit pour voir de plus près un accident de voiture sur la route : on ne peut pas s'empêcher de vouloir voir, de vouloir savoir. « Je me suis toujours demandé ce que ça faisait, de prendre la vie de quelqu'un » elle lâche le plus sérieusement du monde. « Est-ce que c'est difficile mentalement de faire le geste, qu'est-ce qu'on ressent, est-ce qu'on est un peu moins humain après... » Ca fait partie de ces choses qui nourrissent sa curiosité, peut-être parce qu'elle a des gens dans sa vie qui à ce stade ne méritent pas mieux que de crever et qu'elle serait ravie d'appuyer sur la détente, même si ça restera toujours dans sa tête et jamais dans la réalité. « Comment t'aimerais qu'on se rappelle de toi ? » Elle se reprend presque immédiatement. « Pas en général, mais les gens de l'émission. Maintenant que votre secret a été révélé et qu'on a une idée des personnes que vous êtes, tu voudrais qu'on pense quoi de toi ? » Ca n'a sans doute pas grande-importance pour lui dans le fond, parce que seule Naples et ce qui l'attend là-bas comptent, mais ça en a pour elle. Quand elle partira, est-ce qu'elle devra garder en tête l'image du chien fou, ce sale gosse au goût trop prononcé pour la provocation qu'elle a côtoyé jusqu'au précédent prime, ou celle du mec de gang, dont le futur se tracera probablement entre les quatre murs d'une cellule, si pas sous terre. « Ca te dérangerait, que le regard des autres ait pas changé depuis la révélation ? » Il doit se demander d'où elle sort ses questions métaphysiques si peu caractéristiques de sa personnalité, mais lui il ne sait pas que dans quelques heures elle sera partie, et qu'elle se contente simplement de graver en mémoire les derniers moments en sa compagnie et cherche à savoir qui du sale gosse ou de l'homme de la paranza elle doit garder en tête, que ce soit pour seulement quelques semaines ou pour des années.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Mer 29 Juil - 13:42

Il s'en souviendrait toute sa vie de ce jour là, Santo. Pas parce qu'il était affreusement jeune et que la vengeance s'était faite à l'arme blanche. Mais simplement parce qu'il avait compris qu'il y aurait un avant et un après. Que tout n'était pas aussi simple que dans les films de gangsters, qu'il regardait peu mais dont on lui racontait souvent les détails. Le mythe du mafioso c'était quelque chose qui ressortait régulièrement dans les conversations des gamins de chez lui. Au-delà de la Camorra, qu'ils méprisaient par principe, ils éprouvaient une fascination viscérale pour Cosa Nostra et sa structure pyramidale. Le chef, c'était ce qui les avait toujours impressionnés. Au même titre qu'ils avaient pu parler pendant des heures des prouesses de Attila le Hun, l'homme, le conquérant, le guerrier, celui qui marquait l'Histoire. C'était à ça qu'ils voulaient ressembler. Ils étaient fiers de leur fraternité et de cette structure égalitaire. Chacun avait sa propre valeur et les décisions étaient souvent discutées à poings fermés. Mais au fond, ils nourrissaient tous cette fascination malsaine envers un autre type de héros. Ce soir là, avec ses yeux injectés de sang et ses mains imbibées de celui du Mazzarella, il s'en était senti terriblement loin. Pour Santo, buter un Mazza' c'était aussi comme buter une partie de sa famille. Parce que dans son enfance c'était à eux, qu'il avait indirectement prêté allégeance. C'était eux qui avaient décidé de protéger leur famille après le décès de son grand-père. Ils avaient provisoirement représenté une voie de sortie. Une solution. Une destinée. Et puis tout avait basculé. Il s'était épris de la Paranza comme il s'était plus tard épris de Lucia. Il lui avait tout donné, Santo. Sa vie ne s'était jamais construite au-delà de cette finalité là. Son rêve, c'était la P10, son sang, c'était la P10, son coeur, c'était la P10, sa peau, c'était la P10. De ses huit à ses dix-huit ans il l'avait faite passer avant tout. Et il ne connaissait rien d'autre que la fierté d'évoluer auprès de ses frères. Alors chaque chute était difficile. Chaque choc un coup de massue. Chaque déception lui brûlait la peau. Comme un coup de poignard. Parce que c'était le premier. Et que c'était pas un vrai affrontement, un acte de survie. Il avait du mal à mettre des mots sur ça, d'autant plus en anglais, alors qu'il n'en avait jamais parlé à personne. Enfin, j'ai du me défendre parce qu'il m'a poignardé, mais ce qui primait, c'était la vengeance. Il n'irait pas jusqu'à dire prémédité, parce qu'il n'avait jamais eu la sensation de planifier quelque chose. Il s'était juste fait rattraper par sa haine et sa frustration. A l'époque, c'était aussi une façon de prouver son appartenance définitive à un mouvement que les Mazza' cherchaient encore à détruire. J'ai vu tellement de morts Aera. Pas qu'après la création de la Paranza. Mais y'a rien qui peut te faire vriller plus que la haine et la douleur. Elle n'avait rien de glorieux, cette discussion. Santo il savait pertinemment qu'il était en train de se foutre encore plus dans la merde. Et heureusement qu'ils marchaient dans des zones du jardin loin des micros et des caméras, parce qu'il n'aurait pas aimé qu'on retransmette ça directement à la télé. Ce soir là moi je me suis senti crever aussi. Parce qu'une fois la violence du moment dissipée, il avait du faire face à l'image de son visage. Et trois coups de lame dans le torse ne changeaient rien à son ressenti. Il avait flippé, Santo. Je me suis caché pendant un mois. Clope au bec il avait allumé rapidement le bout avant de souffler sa fumée en l'air. Rien à voir avec d'autres scènes, d'autres affrontements sur les selles de leurs scoot. Rien à voir avec la riposte qui engendrait des victimes collatérales. Là, le ressenti était différent, dopé d'adrénaline et de réflexe de survie. Je sais pas. C'était instinctif, comme réponse, mais véridique. Il n'avait jamais pensé à ça, parce qu'il s'était toujours persuadé que son secret tomberait avant les demi et qu'il serait éliminé dans la foulée, sans avoir à dealer avec ce type de réflexion. Mais j'ai pas joué de rôle ici. Son regard était venu chercher celui d'Aera. C'était important qu'elle comprenne. Enfin, dans ce que je suis, dans ce que je dis, je pense, comment je réagis, y'a pas de différence ici où dehors. La seule différence, elle est à Naples. Il y réfléchissait en même temps qu'il exposait ses pensées, le napolitain. A ses yeux la réponse n'était pas réellement claire. Il restait profondément persuadé que Santo était Jacció et que sa vie à Miami ou au sein du jeu ne reflétait absolument pas sa personne. Mais c'était difficile à expliquer, alors même qu'il avait pris du plaisir à évoluer dans ce jeu, à les provoquer comme il provoquait Rosso, Ale, Costa ou Lucia. Santo, ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas foutu les pieds à Napule qu'il commençait à avoir du mal à délimiter sa vie en deux entités distinctes. Non je m'en fous. Et il s'était même permis un sourire en sifflant ça. Je veux juste qu'on ne m'oublie pas. Elle était là, la vérité. Le statut que j'ai à Napule, vous le verrez jamais. C'est pas ça qui représente ce que je suis. Mais par contre, l'oubli c'était un truc qui le rendrait malade. Parce qu'il avait un réel problème avec ça, Santo. De sa mère, qui l'avait progressivement écarté de la maison, à Lucia, qui avait fini par reconstruire sa vie avec un autre. Le seul truc qu'il était vraiment venu défendre, c'était les mômes oubliés de Napule. Ca, il commençait à le comprendre. Faut que les gens sachent que chez nous les choses se passent comme ça. Et il n'était pas en train de défendre le bien ou le mal, ni de chercher à catégoriser les situations. Il n'était certainement pas venu dédramatiser les choses où se chercher des excuses, parce que ce n'était pas le cas. Mais mettre en lumière Napoli, ça oui. Nous, on a peut-être dessiné notre propre route, mais à côté y'en a plein qui s'en sortent pas. Et c'était pour eux, pour la beauté de leur ville, qu'ils voulaient absolument rentrer. C'est compliqué à expliquer. Son visage s'était fendu d'un sourire. Il restait maladroit dans ses mots, mais il s'emballait de l'importance que lui donnait Aera à travers ses questions. Parce qu'en parler, ça lui permettait d'exacerber une quelconque appréhension.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Jeu 30 Juil - 20:37

Santo, il balance ses petites anecdotes qu'elle écoute attentivement, des frissons sur les bras. Dans sa bouche, tout a l'air anodin, comme si, dans leur microcosme de Naples, même le fait de se faire poignarder était normal. Son regard se perd sur lui, plus que jamais consciente du gouffre qui sépare leurs vies. Dans son monde à elle, la violence se fait plus pernicieuse, moins flagrante. Elle est mentale, psychologique, construite sur des siècles d'un déséquilibre entre les hommes et les femmes dont elle n'est que l'une des multiples victimes. Elle est aussi brutale, mais l'impact est moins immédiat, moins tangible qu'un coup de poignard dans le bide. Ce qu'il lui raconte, c'est ce qu'elle pourrait voir dans un film de gangster, sans avoir besoin d'y réfléchir après coup : ça n'est pas la réalité. Pas la sienne, en tout cas. Savoir que Santo et Costa la vivent au quotidien et sont prêts à tout pour la retrouver, désormais trop enfoncés dans ce monde pour en imaginer un autre, ça la dépasse, ça la ramène à toutes les frustrations de leur précédente confrontation quand il laissait entendre qu'il préférait vivre une vie courte mais extrêmement intense, plutôt que l'ersatz de vie qu'elle s'est construite bon gré mal gré. « Et maintenant, t'as une cible dans le dos et tout ton entourage aussi. Y compris Miki. » Surtout lui. Ce qu'elle comprenait, c'était qu'atteindre un proche, c'était le moyen le plus sûr de l'atteindre lui sans savoir jamais à directement le toucher. Vivre dans l'angoisse permanente de perdre quelqu'un qu'elle aime, qu'elle aime réellement, profondément, inconditionnellement, c'est impensable pour elle. Même pas pour tout l'or, ni toute la liberté du monde, quelle qu'en soit la définition. Mais là encore, elle se heurte à la limite de leur relation : elle ne vient pas de Naples, Aera. Elle ne pourra jamais comprendre. Elle pourra essayer, se l'imaginer, s'y promener en touriste pour tenter de capturer tout ce qu'ils lui ont vendu depuis le début du jeu, le beau comme le laid, mais elle ne capterait toujours pas. « T'avais quel âge ? Quand tu l'as tué ? » Probablement un âge où Aera ne comprenait même pas ce que voulait dire mourir et avait encore moins de chances de le vivre dans son quotidien. Elle sait, que c'était la seule alternative. C'est même ce qu'elle lui a dit en confrontation, cherchant à comprendre ce qu'il y avait comme autre choix que la Camorra, ou une vie à serrer des boulons dans une usine. Elle sait, mais ça lui paraît surréaliste encore maintenant. Peut-être plus maintenant, en réalité, parce qu'ils peuvent mettre de véritables mots sur tout ce qu'ils ont vécu et ont encore à vivre. « Je sais » elle souffle. De la même façon que Costa non plus n'a pas joué de rôle – pas avec elle du moins, elle continue de se convaincre par égo. Mais à tous, ils n'ont pu montrer qu'une partie de ce qu'ils sont et peut-être pas la plus importante ni la plus déterminante, si bien que tout a été biaisé d'entrée. Elle s'en fout, Aera. Dans l'absolu, elle a probablement davantage joué un rôle qu'eux ici, même si c'était jamais calculé. « Mais t'as jamais été complètement toi-même non plus, parce que y a un morceau de toi qui est encore là-bas » elle complète finalement. Elle peut pas dire si elle aurait développé les mêmes liens avec eux, si elle avait eu toutes les cartes en main d'emblée, mais ça la dérange pas d'avoir attendu la fin pour en arriver à cette vision bien plus complète de ce qu'ils sont, parce qu'elle a appris à les apprécier pour ce qu'ils sont, et malgré ce qu'ils sont. Elle se rappelle de ces personnes qui, en apprenant son secret, ont mis un point d'honneur à lui rappeler qu'elle n'était pas que son secret, et c'est un principe qu'elle a appliqué pour tous ceux qu'elle a rencontrés ici, indépendamment de ce qu'elle pouvait éprouver pour le secret en question. « Pourquoi t'as peur qu'on t'oublie ? » elle demande en tournant la tête vers lui. « Dans le fond, ce que les gens d'ici, ou même les téléspectateurs pensent, ça a aucune importance non ? Personne vous reverra et quand bien même, on comprendrait toujours pas votre monde » elle souligne tranquillement. Si la semaine précédente, elle vivait mal ce point final dans leur relation, elle a fini par faire sa paix avec ça – à peu près. Peut-être qu'elle se prendra de nouveau une claque à l'extérieur et qu'ils lui manqueront de façon presque viscérale de la seule intensité de ses liens avec eux, peut-être que l'agitation de sa propre vie, ses propres problèmes à régler, suffiront à faire passer le manque en quelques jours. Elle peut pas promettre de pas l'oublier, Santo, et il serait sûrement incapable de lui faire cette promesse en retour de toute façon. Dans tous les cas ça rendrait pas le tout plus facile, ce serait même pire. Elle préfère penser que tout le monde l'oubliera pour pas être déçue, pour pas regretter, pour pas se réveiller le matin en pensant à eux et ressentir la frustration de savoir qu'elle les reverra jamais. « Tu me préviendras ? Toi, ou lui, ou quelqu'un d'entre vous. S'il vous arrive quelque chose. » Elle aura envie de le savoir, même si elle ne pourra rien y faire. « Mais seulement s'il vous arrive quelque chose. Le reste, je veux pas savoir, je veux pas avoir de vos nouvelles » elle affirme d'un ton ferme. Aera, elle veut tout ou rien, et parce qu'elle peut pas avoir le tout, elle préfèrera se contenter de rien du tout et de passer à autre chose. « Je veux juste repenser à tout ça dans 10 ans avec un peu de nostalgie » elle lui rappelle dans un sourire. C'est ça, son ambition. Juste ça.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Jeu 30 Juil - 23:06

Il s'y replongeait avec discernement, mais non sans difficulté, dans ces souvenirs. Il n'était pas né pour ça, Santo. Il était né pour plein de choses, pour aimer une femme, pour avoir des enfants, pour rendre sa mère heureuse, pour voir la beauté d'un coucher de soleil sur la baie de Naples et fermer les yeux chaque soir avec le parfum des murs chauds. Ils étaient là, ses rêves d'enfant. Elle était là, sa part de destinée. Et puis il avait fini par se construire autrement, par s'éprendre tout entier d'un bien plus gros, d'une histoire plus forte, d'un mythe plus terrassant. Se donner, vivre pour la Paranza, c'était aussi faire des concessions. C'était décrocher une part de son âme et la soumettre toute entière aux lois de la fraternité, de l'honneur et du respect. Ils auraient tout fait, les uns et les autres, pour répondre à ces trois évidences là. S'enliser dans des trafics de drogue qui n'avaient rien de criminel à leurs yeux, et s'opposer à tous ceux qui s'opposaient à eux. Par la simple loi du plus fort. Ils sont en sécurité. Son regard s'était glissé sur le visage d'Aera, dont il sentait les yeux accrochés sur lui. C'était prévu. Elle devait avoir une partie des informations par Costa, de toute façon. Mais c'était ça, qui m'effrayait le plus. Que tout tombe trop vite pour que la P10 puisse les isoler. Il croyait y avoir fait vaguement référence, dans le confess. De ce besoin que la vérité sorte de la meilleure des manières. Dans tous les cas ils avaient prévu leur coup, Cos et lui. Des messages codés qui seraient postés au travers de photos précises sur leurs réseaux sociaux. Un signal. Un message. Une urgence. Lucia et Miki c'était le plus compliqué, parce que jusqu'au dernier moment il n'avait aucune certitude qu'elle accepterait de suivre un Ale', après tant d'années, sans en connaître la raison. Et il y avait son père qui la protégeait indirectement. Mais ça l'avait bouffé, Santo. Des semaines et des semaines. En silence, quand il s'épuisait à emmerder le chalet avec ses buzz à outrance et son besoin compulsif d'animation. Une simple façon d'éteindre son anxiété tout en allumant son égo de joueur. Elle s'évertuait à poser des questions dont les réponses continueraient de la contrarier, Aera. Plus qu'elle ne l'était déjà. Ca se voyait à sa gueule, qu'elle, contrairement à d'autres, les considérait tels qu'ils étaient. Et il n'y avait rien d'autre que l'affection exacerbée qui s'était manifestée pendant ces dernières semaines pour continuer d'alimenter cette discussion. 12 ans. Un aller simple à Nisida, si les circonstances générales qui avaient mené à l'affrontement ne lui avaient pas permis de faire passer ça pour un simple règlement de compte, quelque chose d'habituel dans leurs rues. Trop d'adolescents, trop de gamins, des poings, des coups de feu et des armes blanches. Ca s'était terminé de cette façon. Des blessés de chaque côté et un décès. Entre temps, il avait déjà disparu, Santo. Gueule fermée, il s'était allumé une clope aussi vite que ses pensées se focalisaient sur ce souvenir. Il aurait pu lui dire plein de choses, qu'il était prêt à payer officiellement, qu'il aurait sans doute du se confronter à la justice plus tôt, que ça lui aurait permis de voir les choses sous une autre perspective, mais la réalité c'était qu'il n'y croyait pas. D'une certaine manière il voyait tout ça comme le cycle normal de sa vie napolitaine. Des enfants naissaient, grandissaient, jouaient avec le feu et finissaient par mourir. C'était la normalité, ce à quoi les familles se préparaient. Surtout quand elles s'appelaient Mazzarella ou Rinaldi et qu'elles s'évertuaient année après année, à revendiquer leur pouvoir. Il y avait des victimes collatérales des deux côtés. Ici j'étais Santo, pas Jacció. Mais il existe pas en-dehors de Napule, lui. Il n'était pas comme Costa, Santo. Il n'avait pas construit son mythe au point de changer d'identité. Il était encore trop rattaché à son sang, à ses racines. Il était trop jeune, pour ça. La P10 il lui avait donné son âme autrement. C'était pas tant une question d'appartenance qu'une question de dévouement. Ca me fait vriller. Je me sens immortel. Sur ce point il avait encore des réflexions de gamin, mais il s'en contrefoutait. Son monde se basait sur ce besoin de frôler l'immensité des choses. Il fronçait son regard, Santo, la dévisageait sans se soucier de quoique ce soit d'autre. Elle posait des questions, il donnait ses réponses. Et qu'elles lui semblent cohérente, c'était le moindre de ses soucis. Il parlait à coeur ouvert, comme il l'avait souvent fait avec elle. L'importance, ça étouffe le reste. La peur, en premier lieu. Celles qu'ils se refusaient d'avouer. Pas la peur de crever, mais la peur de perdre tout ce qui les entourait, tous ceux qui les entouraient. A l'époque, ils abusaient comme des malades de ces mêmes drogues qu'ils revendaient par kilos. Ca leur procurait cette euphorie de la désinhibition, cette adrénaline de l'inconscience. Ils avançaient plus vite, plus forts, comme des bulldozers. Ici, après autant de temps, il n'avait que cette image du mythe auquel se raccrocher. Même s'ils ne le verraient pas comme ça, les spectateurs de Thrown Dice. Mais à défaut de le voir pour ce qu'il était, ils pouvaient au moins graver l'image de celui qui n'avait rien lâché, rien, jusqu'au bout. Pourquoi tu veux qu'on t'oublie ? Il lui avait renvoyé, par réflexe, histoire d'inverser un instant les tendances. Et c'était une question rapide, en prévision de ce qu'il sentait être quelques phrases trop fortes. Elle avait un regard froid, Aera. Un regard sans compromis. Il s'était arrêté, laissant doucement son bras retomber et sa cigarette se consumer entre ses doigts. Il nous arrivera rien. C'était ça qu'il sous-entendait en parlant d'immortalité. Santo il ne voyait aucune finalité à ce qui se passerait après Thrown Dice. Il y avait pensé des millions de fois, mais il se refusait tout simplement d'y croire. A ses yeux leur histoire n'était pas terminée. Mais si c'est ce que tu veux, d'accord. Il était prêt à tirer un trait sur l'affection qu'elle lui avait soutirée, la semaine dernière. Il était prêt à étouffer les mots qu'il avait prononcé, ce jour-là. Retourner dans le silence. Donc tu nous écriras jamais toi ? Il renversait la question pour comprendre où se situait l'équilibre. Il commençait à saisir sa façon de procéder, à Aera, mais il avait toujours ce besoin de contester les choses qu'on lui imposait. Il s'y plierait, mais pas sans forcer un peu. Tu regrettes ? Elle comprendrait ce à quoi il faisait référence. Le fait d'avoir creusé, plus que Thrown Dice. Parce que la nostalgie pouvait être pointée de bonheur autant que de rancoeur.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Ven 31 Juil - 19:21

« Mais est-ce qu'ils pourront l'être en permanence ? » elle demande, d'un ton qui n'appelle pas de véritable réponse parce qu'elle sait déjà. Elle n'est pas stupide, Aera, même sans tout comprendre, ni tout connaître, ça fait partie de ces évidences qui vont de paire avec ce qu'elle sait d'eux et de leur vie. Elle n'a pas la prétention de croire que ses questions incisives, sa façon de creuser et sa curiosité remettront en cause leur vie, mais elle a toujours du mal à cacher une certaine frustration devant l'absurdité de ce qu'ils laissent entendre. En sécurité, oui, mais pour combien de temps ? Dans sa vision uniquement forgée par ce qu'ils ont pu lui raconter l'un comme l'autre, elle les trouve égoïstes : se mettre en danger soi-même, c'est un choix personnel, mais mettre tous ses proches en danger, y compris ceux qui sont encore innocents comme le fils de Santo, c'est quelque chose qu'elle ne comprendra jamais – pas même pour toutes les explications qu'ils lui donnent sur leur besoin de liberté, leur besoin de pouvoir, leur besoin de vivre vite et fort quitte à se brûler les ailes. « Leur seule sécurité, ce serait de continuer à vivre loin de vous » elle lance finalement, en se rappelant ce que Costa lui a dit de sa relation avec sa sœur et de ce que son départ à Londres a changé pour elle. A l'époque, bien sûr, elle ne comprenait pas ce qu'il voulait dire par là malgré les débuts de théorie qu'elle forgeait dans son esprit, mais maintenant tout prend son sens. Leur quête de puissance, elle a un prix dont elle se demande s'ils ont vraiment conscience. Sans doute que oui, mais qu'à leurs yeux, le prix à payer compte moins que leurs idéaux aussi foireux soient-ils. « C'est si jeune... » elle souffle, pensive. Bien sûr que ça l'est, c'est même tout le principe de leur histoire, mais elle ne les connait qu'à leurs âges actuels, avec leur passé et ce qu'ils en ont fait jusqu'à arriver à aujourd'hui. Elle ne sait pas comment visualiser dans son esprit un Santo à peine adolescent, un couteau dans les mains et un cadavre devant lui et dans le fond, en dépit des questions qu'elle pose, elle n'a pas tant envie de le visualiser que ça. De lui, elle préfère conserver l'image actuelle. Santo, pas Jaccio. Tant pis s'il n'existe que dans cette réalité-ci et qu'au-dehors, il n'est pas vraiment cette personne-là. Dans le fond, ce qu'elle pense de lui ça n'a pas grande importance et ils le savent tous les deux : elle ne connaîtra jamais sa réalité et sa personnalité confronté à la violence de son monde gangréné. Ici, Santo il a marqué par sa provocation de sale gosse, sa capacité à transformer des conversations en indices, puis en buzz, sa franchise et ses émotions à fleur de peau. C'est comme ça qu'il l'a marquée, elle et pour ça qu'elle est autant désarmée face à l'idée de ne jamais le revoir que soulagée de ne pas avoir à le connaître en-dehors de la sécurité du chalet. Elle n'a pas peur de lui, Aera, de la même façon qu'elle n'a jamais eu peur de Costa. « L'importance, c'est surfait » elle se contente de dire, parce qu'elle le croit réellement et parce qu'elle aime bien le contredire chaque fois qu'il balance ses grandes phrases philosophiques tellement déconnectées de la réalité. Il peut se sentir immortel, mais il ne l'est pas et même leurs faits d'armes ne leur offriront jamais cette porte d'entrée vers la notoriété éternelle qui se chargera de les rappeler aux générations futures. Ca lui semble si futile, si absurde, mais elle suppose que ça ne l'est pas plus que sa propre vie où elle aborde chaque situation avec détachement et cherche des raisons de se lever le matin sans vraiment les trouver. « Parce que j'ai rien fait qui mérite qu'on se rappelle de moi » elle répond sobrement, d'un ton égal. Certains liront là une tentative de se faire plaindre, qu'on s'apitoie sur le sort d'une femme paumée qui passe son temps à se dévaloriser elle, et tout ce qu'elle fait. La vérité, c'est qu'Aera n'a jamais eu envie de briller, ne mènera jamais une vie qui méritera d'être racontée génération après génération, et que ça lui convient. Quand elle dit qu'elle n'a rien fait qui mérite qu'on se rappelle d'elle, elle le pense réellement. C'est pas une façon pour elle de se dénigrer, simplement un constat factuel. « C'est ce que j'essayais de t'expliquer la semaine dernière. Pourquoi vouloir que les gens se rappellent de moi quand ils ne savent pas qui je suis vraiment ? » Se raccrocher à une version idéalisée d'elle, c'est la pire insulte qu'on puisse commettre avec elle. Elle n'a pas envie d'être idéalisée, pas envie d'être excusée, pas envie d'être une version lissée, sans faille ni vulnérabilité. Là où Santo a envie que le plus de gens possible se rappellent de lui pour vivre éternellement, Aera se satisfera sans mal de ne compter que pour une poignée de personnes, mais que celles-là la connaissent réellement. « Si tu le dis... » elle répond, pas convaincue par ce qu'il avance. Elle ne voit pas quelle alternative il existerait pour une vie de bonheur, s'ils la cherchent désespérément à Naples. Pas s'ils souhaitent vivre longtemps, mais elle a fini par accepter le fait que ça, ils s'en foutent, parce qu'ils devraient déjà plus être là. Elle tourne la tête vers lui et capte son regard à la question qu'il pose. « A quoi ça servirait ? » elle renvoie mécaniquement. Leur écrire, et quoi ? Tenter de faire exister un lien dehors qui n'est pas fait pour survivre au-delà du chalet ? Se raccrocher désespérément à ses souvenirs d'eux ? Continuer de s'impliquer dans une histoire qui n'est pas la sienne, quand elle parvient déjà difficilement à garder sa propre tête hors de l'eau ? A quoi bon. « Mais si tu veux une véritable réponse, alors non. Je pense pas que je vous écrirai. » C'est moins radical qu'un jamais, parce qu'elle a autant envie de refermer la porte que de laisser une minuscule interstice au cas où, mais ça reste une réponse ferme et sincère. « Bien sûr que non. J'ai rien à regretter ici, même pas de m'être attachée à vous. » C'est doux-amer, et ça lui a valu de réveiller beaucoup de choses profondément enfouies, des émotions qu'elle était pas prête à gérer, mais si c'était à refaire, elle referait tout exactement pareil. « Ca veut pas dire que j'aurais pas voulu une autre fin à tout ça » elle conclut alors avant d'offrir à Santo l'esquisse d'un sourire à la fois doux et triste.
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Message (#) Sujet: Re: ancora tù (mar, 17h) — Sam 1 Aoû - 16:32

Il y pensait tous les jours, Santo, à l'impact qu'avait sa vie sur celle de sa famille. Mais le choix était connu depuis toujours. Luci' l'avait accepté tel qu'il était, s'enivrant tout autant de l'adrénaline et de l'immensité qu'il représentait. Elle adorait, se faire traiter comme une reine, se faire offrir chaque jour toujours plus de cadeaux, se faire inviter dans les restaurants les plus chers et voir un coucher de soleil sur la côte amalfitaine sur le ponton d'un yacht loué pour le week-end. Elle était tout autant une femme du paraître que lui. Une fille de paillettes, éduquée avec la manie des grandeurs. La seule différence entre elle et lui c'était qu'elle avait goûté à cette vie par naissance, quand lui se l'était appropriée au prix de son âme. Miki, il était venu transformer leur monde. Il avait rendu plus pressant le besoin de sécurité. Le besoin de se construire un univers à eux. Une grande maison sur les côtes, sécurisée comme l'étaient toutes les maisons des boss du coin. Il savait qu'en sortant du coeur de San Gio' il lui offrirait aussi cette possibilité là, à Luci'. De vivre librement. Mais les plans s'étaient épuisés avant même qu'ils n'aient le temps de choisir la maison, tous les deux. Tu me trouves égoïste de rentrer à Naples pas vrai ? C'était pas difficile de déceler le message au travers de son enchaînement de question et affirmation. Ce constat n'était pas nouveau, ni pour lui ni pour Costa. J'aurais du rentrer à Naples plus tôt. Baisser les yeux face au fait que son père ait voulu me niquer et me traîner des années pour gagner à nouveau son attention sans lui raconter la vérité. Il énumérait, sans trop réfléchir. L'anonymat et la discrétion m'auraient au moins permis de poser les choses et de revoir Miki et ma mère. C'était ça, l'alternative. Difficile de les imaginer en mauvais termes, Luci' et lui, alors qu'elle lui avait spontanément envoyé un message plein de douceur à l'italienne, deux semaines plus tôt. Mais il la connaissait par coeur, Santo. Il connaissait son égo autant que sa rancoeur. Elle m'aurait jamais pardonné de les avoir abandonnés aussi longtemps. Cinq ans, sans réelle explication. Juste la certitude qu'ils avaient fait une connerie, Costa et lui, dans une de leur nombreuses histoires avec des familles de Forcella ou de Scampia. Mais au moins Miki serait resté en dehors de tout ça. Elle était là, la contrepartie. La sécurité de son gosse face à sa liberté à lui. Et pour un gars comme Santo qui avait toujours prôné l'amour des siens, son rêve de famille, d'enfants, ce choix médiatique n'avait rien de compréhensible. Sauf qu'elle l'avait sa réponse, Aera. Il voulait tout, Santo. La liberté et la famille. S'il, le préfet, était pas encore dans cette position de force, je serais rentré, avec ou sans Costa. Le choix était fait depuis longtemps. C'était Naples versus sa vie bien rangée à Miami. Il n'avait rien reconstruit, Santo. Il ne s'épanouissait pas dans son taf, ne se voyait pas continuer une vie loin de sa vraie famille, de ses frères, de sa mère. Il n'était pas un chef d'orchestre, comme Costa. Il n'avait pas eu de choix à faire et n'avait pas tout construit de ses propres mains. Cos', il avait ce regard extérieur qu'il ne s'était jamais concédé, Santo. C'est égoïste oui, mais y'a des haines qui ne se contrôlent pas. Et il paraissait tout autant haïssable, là tout de suite. Mais elle faisait face à un gars qui avait planté quatre fois un couteau dans le bide d'un mec à 12 piges, Aera. Elle ne pouvait pas attendre de lui le même discernement d'une personne normale dans cette situation. Il avait une colère trop ancrée en lui depuis la naissance, Santo. Lui c'était très exactement Miki qu'il avait l'impression de défendre, en rentrant de cette façon à Napule. parce que l'honneur de sa famille avait été détruit par la promesse ratée d'un homme de pouvoir, pourri par la soif de vengeance de vieilles familles détruites. A ses yeux, que son gosse grandisse dans le mensonge, c'était la pire des choses qui pouvait lui arriver. Grandir sans père c'était pas grand chose, on s'y faisait. Mais grandir aveugle, ignorant, ça n'avait rien de beau. Ils s'en prendront jamais à Miki. Son grand-père est trop important pour ça. Elle était là aussi, la vérité. Et ça le rendait malade, Santo, de savoir que le seul capable de défendre éternellement son môme était ce vieux con qu'il avait envie de claquer d'une balle direct dans le crâne. Il y avait souvent pensé, à le buter, le sourire aux lèvres, au même titre que lui avait voulu se défaire du môme de 18 ans qu'il était. Mais il avait fini par se résoudre à l'idée que le garder vivant c'était accroître les barrières autour de Luci' et Miki. Et ils savent très bien comment me briser autrement. Les mots glissaient sans qu'il n'y réfléchisse plus qu'une demi-seconde. Ca lui brûlait les lèvres, de dire tout ça. De mettre un vrai sens derrière tout ce ressenti. Parce que leur révélation c'était un message, un hymne, des émotions communes. Mais ils avaient chacun leurs nuances de la réalité, et Aera elle le foutait face à ses propres démons. Il n'avait pas réprimé un rictus à l'entendre commenter son âge. Qu'est-ce qui n'était pas vécu trop jeune, à Napule ? Il mettait autant d'ironie dans ce sourire qu'elle en mettait à moquer ses mots. Il n'avait jamais espéré qu'elle comprenne son besoin d'importance. Et de toute façon il lui manquait encore trop de compréhension sur son monde à elle pour la provoquer. Il ne voulait pas de dispute, Santo. Juste la pure et simple vérité. L'honnêteté finale qui bouclerait une révélation beaucoup trop longue et attendue. C'était pourtant la troisième alternative. Cette fois son sourire s'était braqué sur son visage, parce qu'elle savait très exactement où il voulait en venir. Leur insoumission, leur désir de liberté, leur inconscience d'enfants et ados, c'était ce qui leur avait permis de s'affranchir du dégoût de l'usine ou de l'inévitable Camo'. Sa réponse à elle était tout aussi prévisible. Il avait accepté depuis un moment l'idée qu'il ne fallait pas la brusquer sur ses convictions, Aera. Comme lui se refermait complètement quand on essayait de déconstruire ses certitudes. C'était trop ancré, en elle comme en lui. Leur articulation serait éternellement déconnante. La semaine dernière tu me disais aussi que l'idée qu'on se revoie pas te faisait chier. Donc tu veux pas qu'on t'oublie. Il avait son sourire triomphant, Santo. Le sourire de Santino. Celui du mec qui la provoquait et jouait au petit con depuis le début. Celui qui s'était évaporé depuis le début de la conversation mais qui se plaisait à regagner en énergie. Elle était pleine de contradictions Aera, mais là il provoquait en sachant que les exemples n'étaient pas comparables. Quand elle parlait du public, lui sous-entendait tout autre chose. Il sous-entendait Costa et lui. Et il n'avait jamais été question qu'ils l'oublient, vu qu'il y avait cette promesse du message à tenir. C'était risible, parce qu'il se voyait mal envoyer ce genre de message, Santo. Leur histoire était trop intrinsèquement liée à des risques. Il leur arriverait forcément quelque chose. Et dans le feu de l'histoire il ne voyait ni un Ale ni un Rosso et encore moins un Draco penser à envoyer un message à Aera. Comme il se voyait mal lui faire un compte-rendu de leurs discussions avec la justice alors même que lui-même n'y voyait rien d'injustifié. Dans sa tête, la seule raison pour laquelle elle pourrait être prévenue c'était la mort de Cos'. Parce que ça avait toujours été Costa et elle, plus qu'autre chose. T'as raison, ça servirait à rien. Les émotions c'est surfait. Ses épaules s'étaient soulevées dans sa même nonchalance teintée de frustration. On rentre à Naples hein, pas à l'abattoir. A croire que leur vie se résumait à la prison ou à la mort. Non, il avait encore plein de choses à vivre, Santo. Il en était conscient et certain. Comme Costa qui devait recommencer à façonner son histoire. Ils avaient déjà entamé leurs années bonus et comptaient bien en profiter avec toute l'euphorie qui les désignait. Ils n'avaient jamais été autre chose que ça, au fond. Des adolescents, des adultes, qui s'oubliaient dans leurs rêves de bonheur enfantin. Ce même bonheur qu'ils éprouvaient en gagnant le match de foot de fin d'année contre Forcella. Pas de faire part de mariage ou de naissance alors ? Ca lui pompait l'esprit, cette discussion. Il commençait à être à vif dans ses ressentis et préférait s'enfermer le temps de quelques secondes dans la légèreté de l'évitement. Oublier ses mots à elle pour se concentrer sur ses propres pensées. Il ne l'écouterait pas, Aera. Ca n'avait aucun sens d'annoncer la tristesse si elle ne voulait pas de leur bonheur. Et il ne se résoudrait jamais à annoncer une mauvaise nouvelle si elle se considérait incapable de partager quelque chose avec eux. Dans son monde en noir ou blanc les exceptions n'existaient pas. Il avait récupéré une nouvelle clope en décryptant ses mots. Il balisait un peu, Santo, pas prêt d'accepter cette fin qu'il avait pourtant tant anticipée. Et cette discussion sur l'après il préférait s'en soustraire aussi vite qu'il s'y était engouffré. Son sourire s'était dessiné en miroir du sien. Il ne pouvait pas lui renvoyer les mêmes mots parce que c'aurait été compliqué. Il était trop embourbé dans sa Napule pour imaginer autre chose. Arrête de parler de fin alors. Viens on va boire une bière. Et pour un gars qui décrivait Thrown Dice comme quelque chose d'extrêmement fini, c'était compliqué à avouer, mais il allait sans doute ressortir d'ici avec une amertume qu'il n'avait pas prévu dans ses bagages. Putain de coeur.
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