w/Coinneach - 24/06 à 15h48

@Coinneach

Il n’y a rien qui lui manquera dans cette aventure, et surtout pas cette suite. Mais bizarrement lorsque l’envie de se retrouver seul se fait sentir, c’est vers elle qu’il se tourne sans aucune hésitation. Ça sera sans doute la dernière fois, d’ailleurs. Bientôt, en même temps que le château, elle fermera ses portes. Et lui s’envolera vers le continent américain pour retrouver ses vieilles habitudes et ce quotidien palpitant. Après une courte sieste en cette dernière journée loin de toute agitation, le paparazzi quitte le confortable matelas du lit et se plante devant la grande fenêtre du salon. Située au tout dernier étage d’un grand immeuble, la suite offre une vue imprenable sur le domaine Quincy-Clifford. Si celui-ci était pourvu de centaines de gratte-ciel à portée de vue, l’Américain aurait eu l’impression d’être chez lui, ou plutôt dans l’un des bureaux de son agence. Mais il n’en est rien. Et la porte qui claque dans son dos le lui rappelle aisément. Il quitte à regret ce tête-à-tête avec lui-même et ses yeux croisent très vite ceux de Coinneach. Celui-ci avait disparu ni vu ni connu de la circulation au dernier prime, après avoir balancé à la tronche de tout le monde sa lâcheté et le sang qui coule sur ses mains, et voilà qu’il est là devant lui comme si rien n’était. Ou presque. Le paparazzi a bien du mal à comprendre ce qu’il fiche ici, mais tait volontiers ses questions pour faire claquer dans l’air d’autres mots. « Je pensais que t’en avais rien à foutre de cette suite. » Tout comme il n’en avait rien à foutre de ce jeu, des autres candidats, de son public. Alors pourquoi revenir ? Et dans une toute autre mesure, pourquoi s’enfermer dans cette chambre ? Le paparazzi pourrait également le provoquer quant à son secret ou brandir un poing dans sa gueule pour toutes les vies brisées par sa faute, mais il n’en fait rien. Pas parce que ça ne le touche pas, mais parce que ça n’a jamais été question de ça entre eux deux. Et il n’a pas l’intention de lui offrir autre chose d’ici la fin du jeu.

Il s'était dit que c'était à la suite qu'il risquait d'être le moins emmerdé. Passer son temps ici ne le réjouissait pas spécialement, mais c'était toujours mieux qu'à l'extérieur où il venait de se faire tomber dessus par un Warren qu'il n'avait de toute évidence pas envie de croiser. A un jour de la fin, qui voudrait encore venir ici ? Cette pièce n'avait jamais servi à rien, délaissée depuis plusieurs semaines déjà. Alors certes, il n'était pas un grand fan de la déco mais cela n'avait plus aucune importance, aujourd'hui. « C'est le cas. » Il n'y a pas si longtemps que ça, il aurait pu répondre dans un tout autre sens. Cela avait toujours été comme ça, entre Mason et lui. Mais il avais suffisamment rigolé, et maintenant, il était temps de faire place au sérieux. Assis sur le lit, il attendait les reproches, qui ne venaient pas. Ca l'arrangeait. Il restait fidèle à lui-même, l'autre. Ca avait toujours été clair, entre eux; la vie ne l'un n'intéressait pas l'autre. Et si Mason le jugeait certainement, il n'en disait rien. « Tu ne gagneras pas. » Ce n'était sans doute pas son objectif, mais Coinneach notait simplement, de sa voix égale, ne sachant pas quoi lui dire d'autre. Si l'on retirait à la paire leur combat de coqs, ils n'avaient plus grand chose à se raconter.

Spoiler:

C’est le cas, mais il est quand même là. L’Irlandais possède une logique renversante. Mason ne prend pas la peine d’y répondre et reporte bien vite son attention sur le paysage. Entre eux, il avait toujours été question de compétition façon combat de coqs et de moqueries certaines. Aujourd’hui, que reste-t-il de tout ça ? Leur relation s’est cassé la gueule en même temps que Coinneach lors des demi-finales. Leurs secrets révélés n’ont eu de cesse de faire exploser la bulle légère dans laquelle ils voguaient ensemble, contre vents et marées, un sourire provocant rivé sur leurs lèvres. Le paparazzi savoure le silence qui s’empare de leur conversation et ne cherche pas pour une fois à le faire taire. Au contraire, il s’y enlise avec satisfaction. Il sait cependant que l’Irlandais ne partira pas, et ça ne l’étonne pas d’entendre les draps se froisser sous son poids. Par contre, ce qui le surprend, c’est qu’il daigne faire le premier pas, lui qui s’est toujours enfermé dans sa mauvaise humeur, se contentant de répondre aux répliques du paparazzi plutôt que de lui lancer les siennes en pleine figure. La remarque arrache un éclat de rire railleur à l’Américain qui cette fois-ci se retourne. « Toi non plus. » Lui ne remportera pas le jeu, mais ce n’est qu’un détail insignifiant. Mais l’Irlandais, lui, ne parviendra en aucun cas à se racheter. Dans son cas particulier, on s’étouffe avec sa lâcheté et on ferme sa gueule à jamais. « Qu’est-ce que tu fous là ? » qu’il demande cette fois-ci sans détour, de cette voix de plomb qu’il ne lui a jamais vraiment offert. La légèreté s’est barrée, galopant sans se retourner dans son champ d’indifférence avant de s’évanouir définitivement dans la nature. Le paparazzi n’a pas peur de ce con de terroriste qui lui fait face, il ne cillera pas.

Non, de fait, il ne gagnera pas le jeu. Il s'en foutait. Peut-être un peu naïvement, pourtant, il continuait d'espérer que sa participation lui ouvrirait les portes qui donnaient sur le pardon de ceux qu'il avait lésés. Mason semblait vouloir sous-entendre que c'était peine perdue. Coinneach voulait se convaincre du contraire et il était encore beaucoup trop tôt que pour se prononcer à ce sujet. Au pire, qu'aurait-il perdu, dans toute cette histoire, à part le respect de deux pays, qu'aurait-il gagné, à part cinquante-mille boules et des regards haineux de la part de tous ceux qui le reconnaîtraient ? Il s'exposait à une vie encore plus réjouissante que celle qu'il avait menée jusque-là, depuis sa sortie de taule. Quel con il avait été. Bien sûr qu'on ne lui pardonnerait jamais. Il est des choses qu'on ne pardonne pas.
Ce qu'il foutait là ? La question, tout comme le ton sur lequel elle lui avait été posée valut au type du lac un soupir à peine camouflé. Allait-il s'y mettre, lui aussi ? Sans doute aurait-il préféré qu'il fasse comme si de rien n'était, comme il l'avait toujours fait. Comme si c'était possible. « J'attends de pouvoir repartir. » Littéralement, c'était ce qu'il faisait là, dans cette chambre, et tant pis si ce n'était pas le type de réponse que Mason voulait. Il pourrait se casser, maintenant, s'il le voulait, mais il devait se prouver, à lui et à Sadhbh, surtout, qu'il était capable d'encaisser. D'encaisser qu'on lui fasse comprendre qu'il n'avait pas sa place ici, ou même nulle part, pour que peut-être, il comprenne. Il serra le poing, vieille habitude, en l'enfonçant dans le moelleux des draps. Mason et lui, ils avaient un peu partagé le même combat. Pour Coinneach, ce n'était qu'un but auxiliaire à son grand projet de réunification, mais la RIRA, elle en avait neutralisé, des dealers. Ses méthodes étaient sans doute plus expéditives que celles du paparazzi et de son appareil photo, une balle entre les deux yeux marche toujours mieux qu'un rapport sur un bureau perdu de la DEA, mais le but final restait similaire, non ? À part pour Speedy Fegan, il n'avait jamais été très impliqué dans une exécution de ce genre, mais il partageait les idées qui motivaient ceux qui s'en chargeaient. Il savait qu'aujourd'hui, en Irlande du Nord, avec la RAAD, la lutte contre les dealers de drogue prenait presque autant de place dans les vies que leur désir d'indépendance. Évidemment, il n'allait pas le souligner à Mason. C'était inutile. Il aurait sans doute très mal pris le fait d'être associé à une soi-disant organisation criminelle comme celle dont il avait si longtemps fait partie, et ce même si elle luttait contre des crimes bien plus graves.

Il attend de pouvoir repartir. La remarque arrache un sourire mauvais non dissimulé au paparazzi. La légèreté qui a toujours plané au dessus de leurs têtes n’est plus. Elle a foutu le camp en même temps que l’Irlandais samedi. Mason ne la pleurera pas, tout comme il ne pleurera pas leur relation basée sur les faux-semblants et la provocation. Il n’y a pas même pas besoin d’en faire le deuil, ça n’a aucune espèce d’importance pour l’un comme pour l’autre. Par contre, le voir assis au bord du lit en cet instant précis, ça en a. Ultime provocation de la part de l’Irlandais ? Preuve de sa connerie légendaire ? La balance ne parvient pas à pencher d’un côté ou de l’autre. Alors le paparazzi le questionne sans ciller. Il ne joue plus. Il oublie le rôle qui l’a souvent amusé ces dernières semaines et qui n’était que provocation à l’égard de la production, et enfile sa véritable nature. Celle qu’il donnait à voir à tous les autres, et qu’il expose tous les jours de l’autre côté de l’océan. « Qui t’a jeté une nouvelle fois dans la fosse aux lions ? » qu’il raille, avant de reprendre. « Qui te rend si docile et ridicule ? » A moins que ce soit juste lui qui désire s’enfoncer plus bas que terre tout seul. Ça pourrait, mais le paparazzi n’y croit pas une seule seconde. A sa place, l'Américain ferait profil bas. Il sent déjà les mots de l’Irlandais lancés comme un crachat en pleine figure. Il l’imagine volontiers lui dire qu’il se fout de son avis, qu’il ne sera jamais à sa place, qu’il est trop con pour comprendre. Pourtant, c’est simple : quand on est aussi lâche, le mieux est de se faire péter la gueule à son tour. Ça vaut mieux pour tout le monde.