you drive me crazy. (24/07 - 10h47)

ft. salomé

Je tourne en rond. Y’a rien à faire, je ne me sens plus bien. Je considère avoir été calme et patiente assez longtemps. Je n’ai pas trop critiqué, je n’ai pas trop perdu la tête. Quoi que peut-être un peu, mais rien de dramatique. Par contre, là c’est trop. Je ne sais même plus depuis combien de temps nous sommes enfermés ici. On est quel jour déjà? Aucune idée. Je sais simplement que si je passe encore une minute de plus ici, je vais mourir. Pas du tout extrême non. Pas du tout. Plaçant un pas devant l’autre, j’en viens même à bousculer un ou deux candidats sur mon chemin. Genre tassez vous, j’ai besoin d’espace. J’ai presque le sentiment que je vais suffoquer d’une seconde à l’autre. Je tire sur la poigné de porte qui donne vers l’extérieur mais évidemment, rien à faire. Elle ne s’ouvre pas. Et finalement, alors que j’ai besoin le plus d’air possible, voilà que je me rends aux toilettes pour m’enfermer. Je crois que j’ai peut-être juste besoin d’être seule. Assise sur le bol de toilette, je replis mes jambes contre moi, alors que je pense à mes amis. Caro, Jo, Cath, Amé, Émile… Si seulement ils pouvaient être avec moi. Il me semble que ça serait moins pire. Quoi que certaines personnes ici commencent à compter pour moi, alors que je n’aurais jamais cru ça possible. Puis la porte s’ouvre et je ne peux m’empêcher d’exclamer ma colère. Je ne voulais pas être dérangée. « Tabarnak d’ostie de câlisse… Y’a pas moyen d’être toute seule dans cette ostie d’émission de criss!! » Mon accent québécois est fort alors que je débite tous ces sacres en français, devant une Salomé qui ne doit rien comprendre. Mais merde, elle avait juste à pas entrer. « Dis moi que tu connais une façon de sortir d’ici… Criss, je vais devenir folle. » Comme tout le monde, j’ai envie d’ajouter. Tu parles d’une idée de merde de nous enfermer ici.

Elle avait enfin réussi à dormir. Pas beaucoup. Juste une poignée de minutes, avant que quelqu'un ne lui marche dessus. Elle a rien dit. Elle a souri, a dit que ce n'était rien. Il n'y a pas assez d'espace pour ce qu'il y a de gens, à vrai dire elle est même persuadée qu'il y en a qui doivent dormir assis. Enfin, dormir est un grand mot. Mais l'idée est là. La fatigue est là aussi. C'est une fatigue nerveuse, qui vous crispe les muscles et le moral. Elle se sent à fleur de peau, prête à aboyer au visage de n'importe qui. Et pourtant ce n'est même pas le fait d'être dans un espace restreint qui la rend comme ça, pas entièrement en tous cas. Non, c'est l'ambiance général, maussade et tendue. Il suffirait que quelqu'un lâche un mot plus haut que l'autre et l'enfer se déchaîne. Lorsque elle a appris que Pippa ne serait pas de la partie pour la semaine d'enfermement, elle a failli y voir un signe de l'existence d'une puissance supérieure. Elle se lève et se dirige vers les toilettes pour se passer un peu d'eau fraîche sur le visage, dans l'espoir vain de faire passer la tension dans ses traits. Et puis elle entend un bruit étouffé dans l'un des cabinets dont la porte n'est pas fermée. Et elle sait mieux que personne que ce n'est pas une bonne idée de laisser quelqu'un se morfondre seul, elle ouvre la porte. Et reçoit au visage une volée de bois vert dans un français à l'accent inimitable. Elle serre les dents et les traits de son visage se durcissent, et soudain elle ressemble vraiment aux gens aux traits anguleux et abrupts  que l'on classe toujours comme "venant des pays de l'Est". « Il y a deux toilettes pour vingt-et-une personnes enfermées dans trois pièces depuis une semaine, et c'est ici que tu viens chercher la solitude ? срање. » Elle s'apprête à refermer la porte sur cette fille et jurons trop orthodoxes, quand soudain l'autre se radoucit. Bon. D'accord. Elle a peut-être exagéré. Sortir d'ici ? Si seulement elle pouvait. « Si j'en connaissais une, ça ferait longtemps que j'aurais pris le large. јеби се cette émission et la production. On devrait se soulever tous en même temps. Ils feraient moins les fiers. » Elle soupire, puis recule d'un pas et ouvre grand la porte. « Allez, sors de là, sinon tu vas vraiment virer dingue. Viens t'asseoir là. » Elle désigne du doigt un coin du sol dans un état plus ou moins correct, et sans un commentaire de plus, va s'y asseoir.