goodnight moon (20/07, 01h45)

Ezio a au moins l'avantage de pouvoir dormir pratiquement n'importe où. Alors ce n'est certainement pas un lit de camp ou un sac de couchage qui vont lui faire peur, surtout qu'ils ne dorment pas sur du macadam ou des branches en pleine forêt. C'est plutôt le fait de ne pas pouvoir respirer un peu d'air frais qui le dérange, lui qui l'habitude de sortir plusieurs fois par jour. L'avantage, quand on dort, c'est qu'on ne pense pas à tout ça. Il compte se forcer à dormir un peu plus longtemps que d'habitude, pour que la journée passe plus rapidement. Parce qu'à vingt dans cette salle d'attente, ils vont finir par s'entretuer s'ils passent leur temps tous ensemble. L'américain jette un coup d'œil à sa montre et décide qu'il est temps pour lui d'aller se coucher. Il lui suffit de faire quelques pas pour atteindre son sac de couchage, situé juste à côté de Kendra qui est assise dans le sien. Il arrive sans aucun mal à capter son attention, et lui adresse un sourire tout en prenant place à ses côtés. « Comment tu vas ? » il souffle une fois assis en plantant son regard dans celui de la jeune femme. Cette semaine plus que jamais le moral des candidats est à surveiller. Bien entendu, tout le monde peut décider à tout moment de quitter l'aventure s'il en a marre, mais Ezio est persuadé qu'avec un peu de bonne volonté ils peuvent tous traverser cette épreuve ensemble. « Tu as besoin de quelque chose ? » il demande en désignant le distributeur de la tête. Il tient à s'assurer qu'elle ne manque de rien, même si dans cette situation ils manquent de tout.

Il est possible qu’en sortant de cette salle d’attente, lorsque William nous autorisera – je l’espère – à retourner dans sa résidence, je dorme pour les deux ou trois premiers jours. Car je la forte impression que le sommeil ne sera pas mon meilleur ami, dans les jours à venir. Je n’ai pas cette faculté de m’endormir là où ça me plait. Disons qu’il me faut une dose minimum de confort pour y parvenir, et ce n’est certainement pas dans ce trou à rat – désolé, je m’emporte – que ce sera possible. En deux jours, si j’ai cumulé cinq heures de repos, c’est un véritable record. Il m’arrive de rester étendue sur mon sac de couchage et de fixer le plafond pendant des heures sans que Morphée ne se décide de passer. Mon corps ne se fatigue pas assez, impossible de véritablement bouger quand on a qu’un minuscule espace de vie pour vingt personnes. Autant se dire que l’on se marche presque sur les pieds. Oh, je tente de garder le moral, je fais des blagues, tentent de divertir mes camarades, mais personne n’est dupe. Si l’on ne devient pas fou à la fin de semaine, ce sera un miracle. Assise en tailleur sur mon lit de fortune, je lève la tête en remarque Ezio qui vient s’installer sur le sien, voisin du mien. « Dans les circonstances, pas si mal. » Au moins, je suis encore vivante. Disons qu’il y a pire dans la vie, quand on met ça en perspective. « Et toi? » Je m’enquiers à mon tour de son état. C’est bien de se soucier des autres, mais il ne faut pas s’oublier, parfois. Et le candidat semble se faire un devoir de s’assurer que nous nous portons à merveille. Ces petites attentions sont très appréciées, ne serait-ce que par moi. D’un geste de la tête, il m’indique les distributeurs. « Non, non, j’ai tout ce qu’il me faut, merci. » fis-je en lui montrant la bouteille d’eau qui traine à mes côtés. Pour l’instant, j’ai l’appétit dans les talons. Disons que le manque d’aliments frais me coupe toute envie de manger. Un jour viendra où je n’aurai plus le choix, mais je préfère encore jeuner plutôt que de me forcer à manger des barres de chocolat ou des croustilles pour combler un vide, un manque de nourriture saine. À croire que William nous a enfermé ici pour tous nous engraissés. « Mon lit me manque, c’est terrible… » confiais-je à Ezio. « Je rêve de me blottir dans une pile d’oreillers confortables et moelleuses, tu n'as pas idée... » N’importe quoi, sauf ce foutu plancher, solide comme le roc.

C'est étrange de ne plus dormir qu'avec Raphaëlle et Orion. Leurs sacs de couchage ne sont même pas à côté du sien, il se sent presque dépaysé. Cette semaine il dormira a priori à côté de Kendra, ce qui lui convient très bien étant donné qu'ils s'entendent bien. D'ailleurs, elle est déjà là quand il arrive, ce qui ne l'étonne qu'à moitié en fait. Naturellement, il lui demande comment elle va et reçoit une réponse qu'il aurait aisément pu deviner. « Tant mieux. » il souffle en s'installant à côté d'elle. Même si elle ne semble pas aussi pétillante que d'ordinaire, elle n'a pas l'air d'être malade ou quoi que ce soit, et c'est déjà un bon point. « Je vais bien. Pour le moment. » il répond dans un léger rire. Ils ne sont pas là depuis très longtemps, alors les effets de l'enfermement ne se font pas encore ressentir. Dans quelques jours, ce sera sûrement une autre histoire. « Le plus dur, c'est de ne pas pouvoir sortir. » il avoue dans un soupir. Le reste, ce n'est rien comparé à ce manque évident d'air frais. Il n'a pas l'habitude de rester enfermé aussi longtemps, une fois sorti d'ici il dormira probablement à la belle étoile. En tout cas, Kendra n'a besoin de rien; elle est déjà équipée d'une bouteille d'eau. « Parfait. » il lance d'un sourire en hochant la tête. Même lui n'a pas pensé à mettre sa bouteille d'eau à côté de son sac, c'est pour dire. Les banalités enfin terminées, la jeune femme lui confie son plus grand désir à l'heure actuelle, qui n'est autre qu'un lit bien moelleux rempli de coussins. « Ne seriez-vous pas un peu trop habituée au luxe mademoiselle ? » il s'amuse à la taquiner. Il faut dire qu'après quelques semaines d'aventure, il est assez facile de s'habituer au luxe que leur propose la production, ce qui n'est clairement pas ce qu'ils ont à l'heure actuelle. « Moi aussi mon lit me manque. Enfin, c'est plutôt le cottage qui me manque. » il avoue finalement, le regard perdu dans le vide. Ça ne le dérangerait pas de dormir sur le canapé ou même par terre si c'était dans son cottage. Parce qu'il pourrait marcher et ouvrir les fenêtres à tout moment. Ezio chasse cette pensée de son esprit et pose à nouveau son regard sur Kendra, tout en brisant un peu plus la distance qui les sépare. « Je me demande bien quel secret tu peux cacher. » il souffle en penchant légèrement la tête. L'américain n'a pas vraiment eu l'occasion de se pencher sur les secrets de ses camarades jusque là, il a peut-être juste de vagues idées pour certains. Mais le secret de Kendra, il sèche. « Tu es peut-être dangereuse et personne ne se doute de rien. » il glisse, un sourire amusé dessiné sur les lèvres. Après tout, ils ne se connaissent pas vraiment, lui-même n'a pas un secret évident à trouver.

Je me sens rassurée de savoir qu’Ezio se porte bien, malgré tout. Il faut dire que la semaine est encore jeune : nous sommes enfermés dans cette salle d’attente depuis seulement deux jours. Je suppose qu’à la fin de la semaine, sa réponse sera peut-être différente. Tout comme la mienne, à bien y penser. J’ai, pour ma part, un peu perdu de mon entrain légendaire, mais je garde tout de même le cap. Rester coincé à l’intérieur, ce n’est pas ma tasse de thé. « Je suis d’accord avec toi. » L’extérieur me manquait, la plage, la forêt, les jardins… juste le simple fait d’être assise sur le toit-terrasse et de profiter des rayons du soleil, de profiter de l’air frais. Je regrettais que n’ayons pas accès, ne serait-ce qu’à une petite cour intérieure, question de s’aérer l’esprit. J’espère que le système de ventilation de l’immeuble ou nous nous trouvons est performant, sinon, bonjour l’air vicié que nous allons respirer dans quelques jours. Rien que d’y penser, j’ai un long frison de dégout qui me traverse l’échine. Heureusement que le candidat à mes côtés est là pour me distraire, d’une certaine façon. « Si jamais tu as soif, n’hésite pas. » fis-je en souriant, déplaçant du même coup la bouteille d’eau entre nos deux sacs de couchage. J’avais bien sûr avisé qu’il n’en avait pas une avec lui, et j’étais disposée à partager. « Je passe le plus clair de mon temps dans des villages de vacanciers et des hôtels, c’est fort possible… » lui avouais-je quand il me taquina quant à mon irrésistible besoin de me blottir contre une pile d’oreillers plus confortables que ce plancher de bois dur. Le pire, c’est que j’étais sérieuse. Mais en ce moment précis, même le lit le plus basique m’aurait convenu. Visiblement, je n’étais pas la seule à qui ça manquait. Son regard se perd, pendant un moment, et j’en profite pour boire une gorgée d’eau. Quand, enfin, il détache son regard du vide, son corps se penche vers moi, réduisant la distance entre nos deux corps. Il semble intrigué par ce que je peux bien cacher, cedit secret dont personne ne doit parler. « Je joue très bien mon rôle, si c’est le cas. » Un large sourire s’affichait sur mon visage, un brin carnassier, rien que pour jouer sur les mots. Je me penchais davantage vers lui, mon regard interrogateur le scrutant attentivement. « Je pourrais dire la même chose de toi. Les apparences sont souvent trompeuses, après tout. » Les personnes trop gentilles cachaient parfois les choses les plus terribles. Ici, tout était possible.