faiblesse.

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– Tu dors?

Ma voix timide s'adresse à mon voisin de nuit. Shannon. Comme avant, comme dans le cottage. De quoi nous donner un semblant d'habitudes, un semblant du passé. Après vingt et un jours passés à partager le même lit, cela me donne presque l'impression que rien n'a changé. Et pourtant...

Son sac de couchage ne remue pas. S'il dort, il dort à poings fermés. S'il ne dort pas, il ne semble pas avoir envie de bouger... Ou alors... L'aventure, son déroulement soudain et abrupt a eu raison de lui. L'aventure aura fini par le tuer. Mais non. Il n'est pas mort. Je l'entends, le souffle de sa respiration. Ce souffle qui indique que l'air rentre, que l'air ressort. Peut être qu'il dort? Je ne sais pas. Mon doigt s'avance alors, le poussant légèrement. Je ne veux pas qu'il dorme. Moi, je veux qu'il soit là. Ce soir, je n'arrive pas à dormir. Les choses sont trop différentes, étranges, désagréables, ici. J'ai besoin... Je ne sais pas. Sa présence est toujours tellement forte. J'ai besoin de la force qu'il saura me transférer par ses mots.

Les jours s'écoulaient lentement, bien trop pour que j'ai de quoi réellement m'occuper. Sérieusement, que pouvait-on bien faire par ici ? Moi qui me plaignais déjà de ne jamais trouver de quoi m'occuper dans le château, imaginez l'état dans lequel je devais me trouver actuellement. Je prenais tant bien que mal sur moi, mais c'était compliqué, toute cette situation était compliquée, autant pour nous que pour la production. Peut-être plus pour nous, tout de même. Ça n'était pas eux qui vivaient dans une pièce sans rien d'autre que notre patience pour venir à bout des heures. Cette nuit là encore, le sommeil n'était pas au rendez-vous. Alors, j'essayais de calmer mon corps histoire de ne pas avoir à trop réfléchir. Pourtant c'était bien là tout ce que je pouvais faire puisque je ne voulais pas non plus faire trop de bruit afin de ne pas réveiller mes camarades qui devaient probablement déjà dormir. Il y avait James d'un côté, et je crois que c'était Iris de l'autre. Je n'arrivais plus bien à savoir si il faisait chaud ou froid là dedans, et les odeurs de chacun se mélangeaient peu à peu ce qui n'était pas franchement agréable. C'est alors que j'étais plongé dans mes pensées que je sentis quelque chose me pousser légèrement. Me retournant, je tombais sur le visage de James, à moitié éclairé par le filet de lumière que crachait la fenêtre. « Qu'est ce qu'il y a ? Quelque chose ne va pas ? » lui demandais-je doucement afin de ne pas réveiller les autres. Oh il y avait très certainement un nombre incalculable de choses qui n'allaient pas, mais si James se sentait d'en parler, c'était que ça devait être plutôt important.

Sa voix me rappelle à la réalité. Non, il ne dort pas. Et son esprit, visiblement, non plus. Je dois avouer que je suis un peu surpris. Je m'attendais limite à ce qu'il me siffle dans les oreilles. J'ai bien vu que depuis que nous sommes ici, les gens ne sont pas comme... Avant... Du moins, certains. Pas tous, heureusement. Enfin, je crois...

Même moi, je me sens changé.

Je ne peux plus aller dans le jardin, je ne peux plus admirer les roses. Plus sentir leur parfum, plus en cueillir une pour la tendre au premier passant, qu'il s'agisse d'Isidore, de Judas ou d'Iris, avant de lui expliquer des choses sur la fleur et ses particularités... Je ne peux plus courir, faire du yoga, faire mon sport, m'entrainer. Je ne peux plus faire toutes ces choses que j'adore faire et que j'avais trop longtemps prises pour acquises. Et maintenant, je me sens seul et vidé. Et cruellement en manque de ma fiancée.

Au départ, Shannon, je ne voulais pas le réveiller. Les premières semaines, la nuit, je ne lui parlais jamais. C'est plutôt lui qui parlait, les premiers jours. Je crois qu'après, il s'est habitué à ce que je n'aie rien à dire. Pourtant, ce soir, j'en ai des choses à dire...

– Je... Je cherche mes mots. Je ne veux pas l'agacer. S'il le faut, je l'ai réveillé, et il va croire que je l'ai réveillé pour rien. Peut être que j'aurai dû le laisser tranquille... Je ne sais pas. Mon regard se baisse, avec tristesse et mélancolie. Je ne sais pas, je ne sais plus, je ne sais rien, je suis perdu... Mes yeux se redressent alors afin de se planter dans les siens. J'ai l'impression que tout est en train de se casser la figure. Mon regard s'alourdit à nouveau tandis que ma main droite se met à jouer avec mes cheveux. ... Et moi, je ne suis plus sûr d'avoir envie de rentrer chez moi... Je lâche ça un peu sans vraiment réfléchir, sans penser aux caméras, au fait qu'on me voit. Mais c'est vrai, au fond. Je suis bien, ici. J'ai été heureux, ici. Alors à quoi bon me forcer à rentrer...?