don't speak (23.07, 22h08)

+ raphaëlle

Il allait péter un câble avant la fin de la semaine. Entre les repas merdiques qui se composaient de pas beaucoup plus que de trucs qu'ils achetaient au distributeur, l'espace de vie restreint, les nuits trop courtes qu'il passait dans son sac de couchage, les autres qui arrêtaient pas de s'agiter, les douches au lavabo et les fumeurs qui se gênaient pas pour s'en griller dix dans les chiottes. Il allait pas tenir. C'était un cauchemar ou quelque chose comme ça. Certes il aurait pu tout simplement prendre la porte et s'en allait mais ça voudrait dire abandonner et réduire les trois semaines qu'il avait déjà passées avec succès jusqu'ici à néant et il ne pouvait pas se résigner à faire cela. Sa fille lui manquait, l'Australie lui manquait, la caserne, ses collègues aussi, mais il n'était pas là pour eux et il ne pouvait pas partir comme ça. Il ne voulait pas qu'on se souvienne de lui comme d'un des candidats qui a pris la porte, non. Il devait prendre son mal en patience, comme les autres, il n'y avait que ça à faire. Ça et se coucher plus tôt pour essayer de parer au manque de sommeil qui allait finir par lui dérégler le système. L'espèce de pièce où ils dormaient n'était pas encore remplie de monde, Leroy pouvait même entendre que ça chahutait plus loin. « Putain mais fermez-la... » Qu'il grogne entre ses dents avant de se retourner sur le ventre. Il croit apercevoir quelqu'un mais ce n'est pas très surprenant et comme il essaye de pioncer depuis un quart d'heure il ne risque pas de lui adresser la parole.

Il essayait généralement de ne pas le montrer parce qu'il était un bon gars, parce qu'il était pompier et que les pompiers étaient des mecs gentils, dévoués, toujours là quand il faut, souriant et rassurant la plupart du temps, mais il savait râler, il savait gueuler et se mettre en colère pour pas grand chose parce que même si avec les années il s'était assagit, il restait le gamin un peu frustré, boudeur, facilement irritable et qui partait au quart de tour comme l avait pu être autrefois. Mais ce n'était pas ce qu'il voulait dévoiler de sa personne, non, il essayait vraiment de se contrôler, de parler, de manger, de rire avec les autres mais il avait de plus en plus de mal et en plus il s'était mis à penser à Ashley et Elise en fin d'après-midi parce qu'il avait encore plus le temps de penser que dans le château ici. Il voulait juste s'endormir, être au calme et en paix avec lui-même pour quelques heures, en espérant qu'il ne se mette pas à cauchemarder, pour que cette journée se termine et que commence la suivante qu'il aimerait voir se terminer encore plus rapidement, mais c'était déjà trop demander. Il n'avait pas reconnu Raphaëlle qui s'avancer entre les quelques couchettes occupées. Il avait tourné la tête vers elle quand elle s'était adressé à lui pour lui proposer de l'aider à s'endormir. Elle voulait bien l'utiliser sur eux, ou sur lui. Il avait hésité. « Hm, sur moi, je préfère. Si ça se trouve ils s'amusent et le temps passe vite pour eux, je veux pas leur enlever ça. » Ils le gonflaient mais au moins ils avaient trouvé quelque chose pour s'occuper, alors que lui ne faisait que tourner et se retourner depuis de longues minutes. « C'est une technique du FBI ? » Il était un peu curieux, parce qu'il s'intéressait beaucoup à sa carrière au sein du Bureau, ça avait l'air passionnant. Bon et puis ça lui permettait de penser un peu à autre chose qu'à son foyer brisé ou aux longues journées qui viennent de s'écouler et à celles qu'il reste pendant un instant, et ce n'était vraiment pas plus mal.

Il ne veut pas gâcher l'ambiance, il n'a jamais été très branché fête ou soirée, trop de gens, trop de bruit, il se sent vite perdu même s'il a plutôt le contact facile, l'ai est trop lourd sur ses épaules, il n'arrive pas à sortir de sa mauvaise humeur et il ne veut pas en faire profiter les autres d'avantages, eux qui doivent déjà le supporter en journée. C'est vrai qu'il est un peu rabat-joie d'habitude, mais c'est souvent plus pour plaisanter que pour de vrai, alors que là, s'il se pointait au milieu des autres et qu'il leur demandait de se taire pour de vrai il n'aurait pas du tout l'air de se marrer. Enfin, Raphaëlle trouve que c'est admirable de sa part de faire passer le bonheur des autres avant le sien, ça ne l'étonne pas d'un pompier. Il ne sait pas pourquoi ça le fait doucement sourire. « C'est drôle que tout le monde nous prenne tous pour de si bons gars sans nous connaître plus que ça. Certains pompiers sont de vrais cons, tu sais. » Il ne parlait d'aucun en particulier mais c'était comme dans toutes les professions, certains avaient le profil type et d'autres étaient un peu déviants. Leroy était plutôt le profil type, droit dans ses bottes, professionnel et toujours prêt à rendre service mais il avait déjà eu des mots avec d'autres gars moins coopératifs, qui la jouait beaucoup perso par exemple, ou qui suivait plus leur instinct que les ordres directs qu'ils avaient reçu de leur supérieur, certes parfois ils faisaient bien, mais cela finissait plus souvent mal. En tout cas, il n'est pas contre le fait qu'elle utilise sa technique sur lui mais il tient tout de même à se renseigner un peu, si c'est une technique secrète du FBI ou quelque chose du genre. Et c'est apparemment le cas, c'était sa mère qui la lui avait enseignée, sa mère qui était de la profession aussi. « Wahou, une famille d'agents. C'est elle qui t'as inspirée ? » Il l'interrogeait encore, parce qu'il trouvait ça impressionnant et il avait toujours trouvait intéressant que certains enfants décident de suivre les traces de leurs parents. Lui n'aurait jamais pu le faire, sa mère était femme au foyer et son père dans le commerce, ça n'avait rien de passionnant. « Et, ta technique, elle est sans danger j'espère ? » Vu qu'elle venait de lui dire que sa mère ne restait pas vraiment dans le cadre, si ça se trouve ça pouvait le faire tomber dans le comas. C'était peut-être un peu exagéré mais on ne savait jamais. Elle lui demande finalement s'il veut essayer et promet de ne pas lui faire mal. « Ok. » Il ne sait pas pourquoi il a confiance en elle, elle lui a sauté dessus l'autre jour, sa proposition n'était peut-être qu'une nouvelle méthode pour lui mettre le grappin dessus ou pour lui casser quelque chose, qui sait. Mais bon, il était déjà bien désespéré alors il allait se laisser faire. Il ne pouvait rien lui arriver de grave, il y avait d'autres gens autour, il n'aurait qu'à crier s'il a besoin, et s'il le peut.