Orange is the new black. 21.07 à 9h05

Il est tolérant, Jan, comme garçon. Vraiment tolérant. Il se vexe jamais plus d’une dizaine de minutes quand on lui balance son manque d’intelligence au visage. Il est n’en veut jamais à personne, même quand on lui fait un coup tordu. Il accepte sans broncher les critiques et même les insultes. Il supporte de vivre dans un lieu comme celui-ci, peut-être pas de gaieté de cœur, mais il ne hurle pas de désespoir et ne se roule pas par terre. Il est le premier à aider les autres, même s’il les connait pas. Oui, il est tolérant, mais sa tolérance commence à atteindre ses limites. Les raisons sont multiples. Il a faim, il a besoin d’une vraie douche, il a sommeil. Oh que oui, il a sommeil. Pour Jan qui est du genre gros dormeur, cette semaine à ne fermer les yeux que trois à quatre heures par nuit commence sérieusement à l’atteindre. Pourtant, il est pas forcément habitué à dormir sur un lit digne d’un hôtel cinq étoiles, comme celui qu’il a au château, mais un sac de couchage, sur un sol dur et poussiéreux… Ouais, non, c’est pas possible. Pas possible du tout. Son dos est en compote, son sommeil perturbé, les cernes commencent à creuser son visage… Il n’en peut plus. Pourtant, il ne dit rien, il le supporte, et il attend, parce qu’il y a rien d’autres à faire et qu’il est pas du genre à aller hurler sa colère au maître des lieux, ni même à ses camarades. Le confort n’est pas son principal souci, de toute façon. Alors il s’accommode de celui-ci, qui est plus que rudimentaire, et il ne cherche même plus à faire de longues nuits. Non, dès qu’il est réveillé, il s’extirpe avec difficulté de son sac de couchage pour squatter les toilettes afin de se laver, ou le distributeur, ou une chaise dans un coin, et voilà. Il attend. C’est ce à quoi se résume ses journées depuis quelques jours. Mais ce n’est pas pour autant qu’il est plus réveillé que s’il se levait tôt après une bonne nuit de sommeil, au contraire. Assis dans la pièce principale, somnolant, Jan en vient à sursauter quand une voix qu’il connait à peine, celle de Raphaëlle s’adresse à lui. Il lui faut bien quelques instants pour se remettre les idées en place, passant sa main sur son visage, tandis qu’il tourne la tête à sa droite, alors que Raphaëlle est à sa gauche. Pas grave, c’est quand même à elle qu’il s’adresse. « Ouais, non, je crois pas qu’ils vont accepter, surtout que Monsieur William est pas vraiment très agréable en ce moment. Pourtant ces murs auraient bien besoin d’un coup de peinture, c’est clair. » Ils devaient être blancs à l’origine, mais maintenant ils virent au gris. « Mais oui, ça me fait penser à une prison aussi. Je crois pas que ce soit très légal de nous enfermer sans même un bout de jardin. » Qu’il dit, en se mordant légèrement la lèvre. Il sait pas trop s’il a le droit d’émettre de telles accusations. Mais quand même, il persiste à croire que c’est pas très correct comme système. Enfin il vit très bien dans cette petite pièce, mais un accès à l’extérieur, c’est la moindre des choses, non ? « Euh… et donc, ta mère est en prison ? » Qu’il demande ensuite, toujours la tête vers la droite, parce que cette information l’a un peu choqué. « Ah, non, rien, désolé, c’est pas mes affaires. » Qu’il reprend rapidement, en secouant la tête pour se maudire silencieusement. « Je… Oui, ça m’énerve aussi, un peu. » Un peu, car ce n’est pas lui qui va se montrer le plus colérique du coin. « J’ai besoin que ça marche aussi, vraiment besoin que ça marche… » Il dit en se perdant dans ses pensées, avant de se reprendre. « Pourquoi tu es venue ici, toi ? » Il finit par demandant, la voix encore un peu endormie, mais la réponse l’intéressant réellement, puisqu’elle semble tout autant que lui tenir à cette émission.

C’est vrai qu’un bon coup de peinture sur les murs ne serait pas de trop, car leur couleur est difficilement identifiable, sûrement ont-ils été blanc à une autre époque. Il est pas contre le fait de réfléchir à leur situation, mais il faudrait tout de même que l’environnement prête à la réflexion plus qu’à la dépression. Mais malheureusement pour les candidats, William ne leur fournira aucun pot de peinture, il ne va pas leur rendre service alors qu’il est en colère contre eux. Et voilà que Raphaëlle parle de moisissure et Jan fronce les sourcils. « Tu… Tu penses que c’est possible ? » Oh non pitié, pas ça. Il manquerait plus que des insectes et Jan pétera vraiment un plomb. « Bon je crois que la prochaine fois faudra que je lise le petit papier, alors… » Il rétorque à sa réflexion. C’est sa sœur qui s’est occupée de tout ça, ça lui apprendra. « Une semaine ça me parait super long, à moi. Mais t’as raison, tout est … re… relatif. » Il termine, un peu sceptique. C’est pas un mot dont il a l’habitude, il a pas tout compris, mais il préfère ne rien dire. La jeune femme avoue que cet endroit lui fait penser à la prison où se trouve sa mère, information qui ne manque pas de faire tiquer Jan, qui se montre curieux, avant de se rétracter. Après tout, ça ne le regarde pas. Mais Raphaëlle se montre bavarde et lui annonce qu’elle est née en prison. « Oh. » Laisse-t-il échapper, les yeux écarquillés. « C’est cool si t’acceptes la situation, et puis tu peux quand même la voir, c’est bien. » Parce qu’il imagine qu’elle va lui rendre visite, si elle est en mesure de comparer ces murs à ceux de la prison. Et donc, lui, ses parents ? « Euh bah j’ai un père et une mère. » Voilà, merci Jan pour cette confession ô combien surprenante. Il secoue rapidement la tête, fermant les yeux et se pinçant la lèvre avant de tenter – plus ou moins – de reporter son attention sur Raphaëlle. « Euh non je veux dire qu’ils sont chouettes, aucun n’a été en prison. » Son père est agriculteur, sa mère femme au foyer, une famille comme tant d’autres. Et puis il réalise l’impact de ses propos et il écarquille les yeux face à sa bêtise. « … Pas que ta mère soit pas chouette parce qu’elle est en prison, c’est pas ce que je voulais dire, je suis sûre qu’elle est très gentille. » Gentille, mais en prison quand même. « Enfin non si elle est en prison elle doit pas être si gentille… Non attends, bien-sûr qu’elle l’est, ça veut rien dire et puis… » Et puis il préfère se taire et enfoncer son visage dans sa main droite et se murer dans le silence durant quelques instants. Il veut pas être vexant, c’est de loin pas son attention, c’est juste que pour lui ; prison = méchant, et voilà tout. Mais il ne connait pas la mère de Raphaëlle, il ne peut pas être aussi catégorique et il en a conscience. Et après un moment de flottement, voilà qu’il parle de la situation qui est la leur à l’heure actuelle, et il doit bien admettre qu’il est un peu énervé, c’est vrai. « Je… Je réponds pas aux phrases ou questions qui ont le mot secret dedans, je crois qu’on a pas le droit. » Même si pour le coup, il pourrait très bien lui parler, mais il préfère ne pas faire de bêtise et risquer d’en dire trop, il est pas une lumière, mais il compte pas servir son secret sur un plateau d’argent. Mais la jeune femme semble également prendre cette émission à cœur, raison pour laquelle il lui demande la raison de sa présence ici. Et sa réponse le perd un peu, il comprend pas toutes ses idées, mais il écoute religieusement. « Oui, je suis d’accord pour le désastre. » Qu’il rétorque par la suite en hochant la tête, un peu perdu à la suite de ses propos et se faisant silencieux le temps de remettre tout ça en ordre.