better together, 23/07 - 20h18

w/ali

Jan est quelqu’un de patient et c’est peut-être l’une de ses plus grandes qualités. Il est également issu d’un milieu modeste où le luxe n’a pas sa place. Ainsi, on pourrait penser que le garçon s’accommode de cette semaine passée dans un espace aussi restreint qu’une salle d’attente, avec le strict minimum pour survivre, sans même pouvoir bénéficier d’une douche. Et à vrai dire, il s’en est plutôt accommodé. Au début de la semaine. Maintenant que celle-ci touche à sa fin, sa patience commence gentiment à être mise à rude épreuve. Loin pourtant de la crise de nerfs, il faut simplement admettre qu’il n’en peut plus d’être confiné ici, sans la moindre activité pouvait l’occuper ne serait-ce qu’une ou deux heures. Passer du temps avec les autres c’est bien, mais pas suffisant. Ce qui lui manque le plus, ce n’est même pas une douche digne de ce nom, ou un lit moelleux, mais c’est bien un espace extérieur où il pourrait marcher durant des heures. Car la marche, c’est important pour Jan. Il se doit de marcher plusieurs heures par jour, ou du moins d’essayer, et de faire fonctionner ses jambes un maximum. Or, ce n’est pas dans cette salle d’attente qu’il peut réellement s’exercer, puisqu’une fois sur deux, il heurte quelqu’un sans le vouloir. Et puis, faire des allers-retours, c’est sympa, mais au bout de la vingtième fois, même quelqu’un d’aussi patient que lui en a assez. Alors sa distraction principale s’avère assez limitée ici, et à bout, Jan décide de s’isoler près du  distributeur. Enfin, s’isoler, c’est vite dit vu que la notion d’intimité n’existe pas ici. Mais le distributeur représente un grand avantage : manger l’occupe. C’est triste, c’est le meilleur moyen pour prendre dix kilos en une semaine, mais il s’agit-là d’une de ses seules occupations de la semaine. Alors après avoir glissé quelques pièces dans le distributeur, le voilà avec une barre de chocolat dans les mains, la quatrième ou cinquième de la journée. S’asseyant à côté du distributeur, calé contre le mur, Jan observe un peu la pièce, jusqu’à ce qu’une silhouette familière entre dans son champ de vision. « Aliiiiiii. » L’appelle-t-il afin qu’elle s’arrête, d’une voix qui se veut suppliante sans réellement le vouloir. « Je m’ennuie. » Qu’il lance sur le même ton, en appuyant sa tête contre le mur derrière lui et poussant un soupir qui se veut presque théâtral. « Je sais plus quoi faire, il y a pas de jeu de cartes  ou de jeux de société, pas de jardin, pas de lit moelleux, pas de matériel à dessin, du coup je sais pas comment m’occuper, je fais que manger, je crois que j’ai déjà pris trois kilos, c’est terrible. » Pour ne pas dire déprimant. « Comment tu t’occupes, toi ? » Il lui demande en croquant une nouvelle fois dans sa barre chocolatée, pendu aux lèvres d’Ali en espérant qu’elle puisse l’aider à sortir de son ennui.

Ali n’apprécie guère la tournure que prennent les choses. Elle n’a pas pu prendre des toiles ni de peinture dans sa valise, alors forcément ça ne lui plaît pas. Elle n’a pas l’habitude de ne pas peindre ou dessiner pendant autant de temps. C’est sa drogue à elle, et une droguée en manque, ce n’est pas beau à voir. Ali ne tient plus en place, elle est hyperactive alors qu’elle n’a rien à faire. Alors oui, c’est très frustrant pour elle, peut-être même un peu trop. Elle s’énerve elle même, à avoir la bougeotte. C’est assez insupportable. Ali a toujours l’habitude d’être dehors, de respirer l’air frais, de se promener au bord de la plage. Et là, elle ne pouvait pas. Alors forcément, elle n’aime pas ça. Depuis le début, elle ne fait que marcher. Tout la journée. Elle marche, elle parle avec quelques personnes – lorsqu’elle a quelque chose à dire – et elle continue à marcher. Elle marche d’ailleurs jusqu’au distributeur lorsqu’elle tombe sur son Janou. Oui, elle a décidé de l’appeler comme ça. Dans sa tête, hm. La jolie brune l’écoute et elle rit à ses paroles. Avant de répondre, elle prend place à côté de lui. Elle se permet même de piquer sa barre chocolatée pour mordre dedans avec de le lui rendre.  « Oui, regarde, tu as déjà un bidon qui ressort » elle le taquine en pinçant son ventre sans pour autant cesser de sourire. « Tu vas bientôt enfler comme un ballon » Bon, stop la plaisanterie, elle ne voudrait pas non plus que Jan lui fasse une crise de panique. « Je m’occupe pas, je m’ennuie aussi. » elle finit par répondre en souriant alors qu’elle appuie sa tête contre le mur. « S’ennuyer à deux, c’est bien aussi. » elle dit finalement alors qu’elle pose finalement sa tête sur l’épaule du rouquin. C’était toujours mieux que de s’ennuyer tout seul. « Bon allez, dis-moi pourquoi tu ne sors pas souvent de chez toi. » Elle finit par dire en pensant à une précédente conversation dans leur lit si douillet.

Ali ne pouvait pas mieux tomber pour le sortir de son ennui. Elle a pas besoin d’en faire beaucoup, sa simple présence lui suffit, ils vont pouvoir discuter – enfin, si elle le veut bien – et ça va déjà l’aider à passer le temps, c’est pas négligeable. Parce que s’il continue à rester seul dans son coin, il va s’empiffrer encore et encore, au point de ne plus ressembler à rien, le chocolat aura définitivement raison de lui. Alors d’un côté, c’est pas plus mal qu’Ali se serve, il aurait même fallu qu’elle garde la barre chocolatée pour le tenir éloigné de la tentation, mais bon. Elle confirme ses propos, il a un petit bidon – elle appuie même ses propos en le pinçant – et il est déjà en train d’enfler comme un ballon. « Roh m’en parle pas, faudra que je fasse du sport pour arranger ça, mais bon moi et le sport… Je crois qu’il faut juste que je m’habitue aux kilos en trop, voilà. Mais bon, Shannon m’a dit que j’étais gringalet, alors je suppose que c’est pas trop mal si je prends du poids. » Qu’il dit, en haussant les épaules et observant son petit bidon, qui est plutôt bien caché, en fait. Ouais, le sport ça va être difficile là, donc il préfère s’accommoder de sa petite prise de poids, surtout qu’il en a besoin s’il en croit Shannon. Et puis, même sans son avis, c’est pas comme s’il prêtait une attention toute particulière à son physique. Ali lui avoue ensuite qu’elle ne s’occupe pas, puisqu’elle aussi s’ennuie, ce qui lui provoque un léger sourire. « Bon ça me rassure. Enfin, pas que je me réjouisse que tu t’ennuies, mais voilà enfin t’as compris… » Qu’il dit en se pinçant la lèvre. Non, c’est bien évidemment dommage qu’elle s’ennuie, mais c’est pas déplaisant d’être deux dans ce cas. Enfin, ils doivent être plus que deux, mais dans l’immédiat c’est avec elle qu’il passe du temps. Et justement, s’ennuyer à deux, c’est bien aussi. « Oui je suis parfaitement d’accord. » Qu’il répond avec le sourire. C’est vrai, c’est sympa de s’ennuyer à deux, surtout avec Ali comme compagnie. Il est un peu surpris quand elle pose sa tête sur son épaule, mais il bouge pas, c’est pas dérangeant, par contre la demande qui suit l’est un peu, même si ça le vexe pas ou qu’il va pas bouder, c’est juste qu’il y a pas grand-chose à dire, en fait. « Hm, rien de bien compliqué, je suis un danger public il parait donc faut pas trop que je sorte, c’est tout. » Il dit, se retenant de ne pas hausser les épaules comme il en a l’habitude, pour pas gêner sa camarade. « Mais tu sais, je suis le roi des accidents alors ils ont raison. » Et par ils, il entend sa famille. Voilà, rien de bien passionnant derrière son quasi-enfermement. « Ça m’embêterait que ça s’arrête maintenant, j’aime bien être un peu libre quand même, c’est chouette. » Bon, il y a une autre raison, mais il peut pas trop en dire non plus. « Ça va pas t’embêter toi, si on doit rentrer chez nous samedi ? » Bon, il suppose que oui, mais sa vie sur sa petite île doit être bien sympathique, alors peut-être que c’est pas si dérangeant d’y retourner.

Jan n’est pas gros. Au contraire. Il est tout fin, il aurait même peut-être besoin de prendre quelques petits kilos. Ça ne lui fait pas de mal de manger plus que d’habitude. Pourtant Ali ne peut pas s’empêcher de le taquiner à propos de ça. À sa réponse, la jolie brune ne peut pas s’empêcher de rire alors qu’elle secoue la tête de droite à gauche. « Shannon a raison, puis t’obliges pas à faire du sport. » Elle réplique en lui souriant, rassurante. Evidemment que Shannon avait raison, il n’y avait qu’à voir la carrure de Jan. Elle était presque prête à parier qu’il était plus mince qu’elle. Mais bon ce n’était pas vraiment important de toute manière. Jan est content qu’elle s’ennuie, et ça la fait sourire de nouveau. Il est aussi maladroit dans ses paroles que dans ses gestes, et elle trouve ça toujours aussi attendrissant. « C’est pas très gentil, ça, de te réjouir de mon malheur. » Elle en joue un peu, Ali, mais ça reste enfantin. Et puis elle lui donne un petit coup de coude pour lui montrer qu’elle n’est pas bien sérieuse. Ali se vexe que très rarement, en fait. Il pourrait lui dire n’importe quoi, elle ne le prendrait pas mal. Il faut le vouloir pour vexer Ali, il faut dire. Elle pose alors sa tête sur son épaule et lui pose une question. Mais sa réponse la fait tiquer, elle fronce les sourcils et relève la tête pour poser son regard bleu sur lui. « On t’oblige à rester chez toi ? » Elle demande pour voir si elle a bien compris ce qu’il venait de lui dire. Si c’était le cas, elle trouvait ça inacceptable. Le fait qu’il soit le roi des accidents n’y changeait rien. « Et toi, de quoi est-ce que tu as envie ? Ça te plaît de rester chez toi ? » Elle rajoute, sans cesser de le regarder. Il faut dire qu’elle est un peu choquée pour le coup, Ali, elle qui a l’habitude de faire toujours ce qu’elle veut sans se préoccuper des conséquences. « Tu n’as pas envie de te faire des amis, de sortir le soir, de tomber amoureux, de faire ce que tu veux ? » Les choses que les jeunes normaux faisaient, en somme. Et puis elle lui sourit lorsqu’il lui dit qu’il ne veut pas que l’aventure s’arrête maintenant. « J’ai toujours quelque chose à faire chez moi, mais je préférerai rester ici. C’est trop tôt pour partir, surtout vu les rencontres que j’ai faites. » Comme lui, par exemple.

Il va falloir qu’il fasse du sport, mais ça le décourage déjà, au point où il envisage sérieusement de rester comme il est, quelques kilos en trop ne peut pas lui faire de mal s’il en croit les propos de Shannon. D’un côté, ce serait une bonne solution, il peut continuer à se goinfrer sans remords, d’autant plus que la semaine est encore longue. Et voilà qu’Ali confirme les propos de Shannon. « Bon, alors je vais vous écouter, toi et Shannon. » Pas de sport, grignotage autorisé, tout va bien. Quant à la façon dont elle occupe ses journées pour que Jan s’en inspire, et bien… Disons qu’ils sont dans le même bateau, puisqu’elle s’ennuie tout autant que lui, ce qui est plutôt appréciable. Enfin, non, pas vraiment. « Oh non, non, je me réjouis pas du malheur des autres et... » Surtout pas du tien vu qu’elle est sa coloc’ adorée, mais le coup de coude qu’elle lui donne lui fait comprendre qu’il n’a pas besoin de se confondre en excuses puisqu’elle plaisantait. Alors comme un gamin boudeur et vexé qu’on s’amuse de lui, il lui rend son coup de coude, pas fort, et laisse échapper un « roh » de contestation, bien vite suivi d’un sourire. Il peut pas se fâcher, encore moins contre elle. Et puis voilà qu’elle lui pose une question à laquelle il ne s’attendait pas, et qu’elle émet une supposition qui se veut fausse. « Non, c’est pas vraiment ça… C’est un peu compliqué. On me le conseille on va dire, mais je dirais pas que je suis obligé. » C’est pas comme s’il était enfermé dans sa chambre avec des chaînes aux poignets et aux chevilles, quand même. Mais c’est vrai que c’est compliqué, qu’il peut pas forcément en parler, même avec Ali, parce qu’il ne peut pas et parce qu’il n’y comprend lui-même pas grand-chose. « Je sais pas trop ce que je veux. Ça me plait comme ça, j’aime bien la maison, avec les chiens, ma mère, c’est bien aussi. » Et son père, aussi, même si c’est un peu compliqué entre eux pour l’instant. Il connait pas vraiment le monde réel, celui à l’extérieur de la maison, alors il est pas sûr que ce soit une bonne idée de se jeter dans celui-ci. « Hm, oui, j’aimerais bien, mais là aussi c’est compliqué. Vu que je sors pas je peux pas trop me faire des amis, et puis je sais pas trop m’en faire de toute façon, et alors tomber amoureux je t’en parle pas, je pense pas que ça va arriver même si j’aimerais bien. » Il aimerait bien vu que tout le monde tombe amoureux et parle de ça comme si c’était la chose la plus géniale du monde, mais à côté de ça il est pas à l’aise avec cette notion d’intimité. Et puis, il est réaliste, c’est pas un garçon comme lui qui risque d’intéresser quelqu’un et sa sœur le lui rappelle régulièrement. « Mais même si j’ai envie de faire ce que je veux ou de sortir, j’ose pas trop, parce que c’est pas trop conseillé pour moi. Chaque fois que je sors ça finit pas très bien, donc je crois que je suis mieux chez moi. » Qu’il termine, en osant enfin tourner la tête pour croiser son regard. Et voilà, c’est tout, c’est comme ça qu’il vit et même s’il a envie d’un peu d’indépendance et de faire des choses qu’il a pas le droit de faire, il sait aussi que ça risque de mal finir, comme d’habitude. Déjà qu’il a pu participer à cette émission, c’est un miracle. Jan change alors de sujet pour évoquer l’issue possible qu’ils connaîtront samedi, à savoir un retour à la maison. C’est bien une chose qui l’angoisse, surtout aussi rapidement après leur arrivée dans ce château. « C’est quand même bizarre de se dire qu’on vit collés avec des gens et puis du jour au lendemain, plus rien. » Bon, il est un peu plus optimiste que certains, lui il est tout à fait d’accord de garder contact par téléphone avec des gens qu’il a rencontré ici, par exemple. « Parle-moi un peu de ton travail, ça m’intéresse, on dirait pas mais j’aime bien la peinture et le dessin. Bon je suis pas doué, mais voilà… T’as toujours voulu faire ça ? Tu travailles … à ton compte ? C’est bien comme ça qu’on dit, non ? Et puis c’est comment où tu vis ? C’est la classe quand même de vivre sur une île. » Peut-être un peu trop calme, mais quand même, c’est pas donné à tout le monde. « Désolé, je parle beaucoup et de moi en plus, donc j’aimerais bien qu’on soit à égalité. » Il termine, en lui adressant un sourire qui se veut désolé.

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