Mean girls 2.0 ♢ 20.07 à 19h08

Avec Shannon, Isidore sait qu'il pourra avoir une conversation sans concession. Il pourra même dire du mal des gens sans que ça ne lui soit reproché et il est même persuadé que Shannon prendra part à l'exercice. Et c'est con à dire, mais Isi en a besoin là, de vider son sac après plusieurs jours passés à vivre en communauté aussi rapprochée. Il faut qu'il balance ce qu'il a sur le cœur, il faut qu'il trouve un moyen de se débarrasser de plusieurs personnes d'un coup, faciliter la tâche à tout le monde, rendre l'émission plus attractive. Quoi ? Ça ne fait que quarante heures qu'ils sont enfermés ? Vous foutez pas de sa gueule ils sont là depuis au moins quatre jours ! Non... non... il peut pas commencer à perdre la notion du temps, ne pas réussir à dormir c'est pas de sa faute, il est fait comme ça ! « José, viens par là. » qu'il chuchote sans grande discrétion, tout le monde est occupé à faire son petit bonhomme de chemin et les gens en ont probablement tellement marre de se marcher les uns sur les autres que même s'ils avaient entendu Isi appeler Shannon, personne n'y aurait prêté attention. Il attire le mexicain à l'écart et à cet instant précis l'écart c'est le fin fond de la salle d'attente. « Bon. Sois franc, de qui tu veux de débarrasser ? On élimine la personne que t'aimes le moins, ou celle que tu veux le moins affronter, et puis la mienne. » Quoi ? C'est pas pire que de parier sur la possibilité d'Isi de baiser quelqu'un dans la mer avant la fin de la saison. Et puis de toute façon Isi déconne, c'est juste qu'il a besoin d'être méchant cinq minutes pour se purger. Il peut clairement pas baiser -et surtout pas dans la mer- encore un truc qu'il ne pourra pas faire si la production décide de suspendre l'émission, à croire qu'ils font exprès de le faire chier hein. Alors qu'on le laisse faire sa catharsys par la méchanceté semi-gratuite pour voir resurgir le Isidore que tout le monde adore, ou apprécie... bon d'accord tolère.

La réponse de Shannon n'est pas exactement celle qu'il attendait. Isi aurait préféré qu'il lui dise un prénom de candidat, ça aurait été plus facile à éliminer, en lui menant la vie impossible pendant deux trois jours, la personne aurait probablement fini par prendre la porte. Mais c'était son côté démoniaque qui parlait. Le pire aspect de sa personnalité, celui qui ne se réveille que dans les pires situations. Et franchement, qui pourrait blâmer Isidore pour son pétage de plomb en cours ? Il n'est pas habitué au luxe, mais putain il est au moins habitué à un minimum d'intimité et de décence. Se sentir comme un animal dans une cage entouré d'un groupe de personnes ça fait remonter des souvenirs franchement pas glorieux. Sympa la production, vraiment sympa. Pour ce qui est du cas Loreen, Isi a peut-être une idée.« Hum... ok. Je pense pas qu'on arrive à la faire renvoyer, à moins qu'on trouve un loophole dans son contrat, genre harcèlement sexuel d'un candidat innocent. Peut-être qu'on peut demander à Jan de nous aider ? » Parce que clairement, vu le nombre de remarques que peut proférer la jeune présentatrice sur le physique des candidats, il faut choisir celui qui ferait passer la neige pour un écran de fumée noire comme étant le garçon mal à l'aise face aux notes de la demoiselle. Isi ne pense pas à mal, ce n'est ni plus ni moins qu'un moyen d'occuper son esprit perturbé et de le laisser divaguer à ce qu'il appelle de la pensée créative. Ce qui lui manque cruellement ces derniers jours. « Non, enfin si. Enfin non. J'ai des problèmes avec tout le monde cette semaine, j'ai même du mal à me supporter dans ce trou à rat. » répond-il sérieux. Il préfèrerait plaisanter, parce qu'Isi a plutôt tendance à bien s'aimer en général, il ne se prétendrait pas parfait mais vivre avec lui-même ne le dérange pas, il trouverait même ça plutôt agréable. Alors pour qu'il arrive à un tel point d'exhaustion mentale c'est vraiment que la salle d'attente lui attaque la cervelle. Et pas seulement une partie du cortex hein, non, non, lobe frontal, temporal, pariétal et même l'occipital. Tout y passe, même le cervelet et les sillons -latéraux et centraux. « J'aime pas cet endroit. Genre, vraiment, vraiment, VRAIMENT pas. Ça me fait l'effet d'une église sur le Diable. » Et il sait de quoi il parle pour avoir été à l'église plus de trois fois par semaine pendant plus de dix-huit ans. C'est un peu comme l'ail avec les vampires. Ou avec les mecs, une gousse de trop et c'est l'hécatombe. Purement et simplement.

Isidore sursaute, plus de surprise que de peur, lorsque Shannon le prend dans ses bras. Cette réaction n'a rien d'extraordinaire, c'est une façon tout à fait normale de calmer quelqu'un en train de faire une crise de panique ou une crise de nerfs tout simplement. Ce qui choque le plus Isidore dans cette histoire c'est que les choses ont escaladé vraiment rapidement. Il allait bien il y a quelques minutes, il était tendu, certes, mais il allait bien. Et maintenant ? Maintenant il a du mal à respirer à plein poumon et ce n'est même pas parce que sa tête est coincée dans l'épaule de Shannon, non, c'est simplement qu'il ne sent plus son corps correctement. Une fois que l'étreinte du mexicain se détend un peu Isi recommence à respirer de façon plus profonde, pas très cohérente mais il prend des inspirations longues entrecoupées de petites expirations. « Je... hum. Désolé pour ça. » lâche-t-il alors complètement mortifié. C'est vraiment, vraiment, vraiment, vraiment, ajoutez encore une dizaine de vraiment à la liste, vraiment pas malin de sa part de craquer comme ça. Quand il craque, et dieu sait que c'est rare, il finit toujours par dire quelque chose qu'il ne devrait pas et dans une émission où les gens tentent de vous percer à jour, la moindre information est susceptible d'être retournée contre vous, même quand les gens sont bienveillants. Ils jouent tous le jeu. Alors Isidore, par pitié, ne fais pas le con. « Et, hmpf, merci. Je te promets que ça arrivera plus. C'était un moment d'égarement. » ajoute-t-il dans la foulée avant que Shannon ne lui demande ce qu'il peut faire pour lui changer les idées. Isi n'en sait rien, ce n'est même pas qu'il fait preuve de mauvaise volonté, il n'a aucune idée de comment on peut lui changer les idées. En démolissant un mur vers l'extérieur qu'il pourrait emprunter et revenir sans être éliminé, ça se serait une bonne chose de pouvoir voir l'extérieur une seconde sentir le vent frapper son visage. Mais retour à la réalité. « Parle-moi de ton enfance, des trucs que t'aimais quand t'étais gamin. Les émissions de télé, tout ça. » suggère Isidore. Il veut pas le foutre mal à l'aise, il veut pas lui paraître exigeant, il veut surtout pas qu'il pense qu'il profite de la situation pour partir à la chasse au secret. Non, en fait Isi essaye juste de collecter des infos sur sa génération. Il n'a pas grandi en étant exposé aux mêmes choses que les autres enfants, alors il veut pouvoir noter dans un coin de sa mémoire phénoménale quelques trucs à voir, des notions à connaître, quand on est presque trentenaire.